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sions sa mauvaise jetée, qui ne sert aujourd’hui qu’à séparer de la mer quelques ares de vase où viennent s’échouer les barques des pilotes! Le plus souvent les bateaux à vapeur qui font le service régulier de Bordeaux à Royan ne peuvent même pas entrer dans le port et s’arrêtent en dehors de la ligne des brisans, que les passagers doivent ensuite traverser en se confiant à de petites embarcations qui dansent sur les vagues. C’est à l’heure du flot seulement que les paquebots trouvent assez d’eau pour doubler péniblement l’extrémité du môle et venir s’amarrer aux anneaux de la jetée. Un semblable port n’est pas fait, on le comprend, pour attirer les navigateurs. Royan n’a pas même de communications régulières avec la rive opposée de la Gironde, qui cependant n’est pas éloignée de plus de 5 kilomètres. Quelques chaloupes de pilotes se rendent parfois au Verdon pour déposer ou prendre des marins, plus rarement une barque va porter des curieux à la Pointe-de-Grave; mais, le vent et la rame étant les seuls moteurs de ces embarcations, il arrive souvent que le passage de Royan à la côte du Médoc dure aussi longtemps que la traversée moyenne du Pas-de-Calais : on dirait que l’embouchure de la Gironde est un détroit séparant deux continens, tant les rapports et les échanges sont peu fréquens d’une rive à l’autre. La construction d’une voie ferrée de Bordeaux à la péninsule du Bas-Médoc aurait pour effet immédiat de rapprocher les deux bords de l’estuaire girondin en créant un mouvement de voyageurs considérable entre la Pointe-de-Grave et Royan, avant-poste de toute la Saintonge.

Heureusement la ville de Royan peut attendre sans trop d’impatience les destinées que lui réserve l’avenir, car des milliers d’étrangers, attirés par l’amour de la nature ou simplement par la force de l’habitude, continueront à la visiter chaque année. Sa position exceptionnelle lui assure parmi les villes de bains une faveur constante, indépendante des caprices de la mode. Il est vrai que la plage la plus rapprochée des maisons est souillée par des eaux d’égout et par les immondices du port ; mais dans toutes les criques voisines le flot vient encore déferler sur des lits d’un sable pur, à peine mêlé de coquillages. En outre, les baigneurs peuvent graduer à volonté pour ainsi dire la force et la salure des vagues en choisissant entre la côte marine et le rivage de l’estuaire. Et puis la ville de Royan n’aura-t-elle pas toujours son doux climat capricieux et charmant, son beau ciel, où les rayons jouent sans cesse avec les .nuages? Ne garde-t-elle pas ses conches si gracieusement arrondies et ses promontoires incessamment battus des flots? Enfin peut-on lui ravir le spectacle de son fleuve, de l’Océan et du détroit où ils viennent mêler leurs eaux?

De grands écrivains ont déjà fait remarquer combien la nature de