Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/916

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

semblait se confondre avec le sol mobile qui l’entourait, et le toit lui-même, dont la ligne horizontale se montrait au-dessus des talus de sable, avait l’apparence d’une de ces arêtes géométriques qui terminent souvent le sommet des dunes. C’est qu’en effet la maison était à demi ensevelie. Du côté de la mer, les monceaux de sable étaient entassés jusqu’à la hauteur du toit; mais heureusement les remous du vent avaient ménagé autour de la muraille une espèce de fossé de défense semblable à celui d’une redoute; de l’autre côté, la masse de la dune pesait de tout son poids contre la demeure : portes et fenêtres étaient condamnées; il ne restait plus que la partie supérieure d’une ouverture, et le plancher était déjà situé à plusieurs mètres en contre-bas des sables. Quelques années auparavant, lorsque l’employé qui nous reçut avait été préposé à la garde de la Pointe-Espagnole, une autre dune en voyage avait pris sa route au travers de la maison : elle passa sans renverser les murailles; mais elle était suivie d’un petit vallon qui se déplaçait aussi. La cabane se trouvant tout à coup juchée sur une espèce de tertre, ses fondations furent graduellement déchaussées jusqu’à 2 mètres de profondeur et s’écoulèrent en partie sous le poids des parois supérieures. On releva les murailles renversées, puis, quand l’œuvre de reconstruction fut terminée, une nouvelle dune, celle que l’on voit aujourd’hui, vint assiéger la pauvre demeure. Le gardien dut renvoyer en hâte sa femme et ses enfans, qui l’avaient accompagné; lui-même, de peur d’être bloqué, se tient prêt chaque jour à quitter la place. Au moindre vent, le sable tourbillonne dans sa chambre, couvre ses meubles, saupoudre sa nourriture, se mêle à l’air qu’il respire et diminue successivement la quantité de lumière qui lui vient encore par les lucarnes. Peut-être depuis notre visite a-t-il dû quitter le poste assiégé, ou bien la seconde dune est passée comme la première, laissant derrière elle la maison haut perchée sur un talus.

La presqu’île d’Arvert est-elle lentement soulevée au-dessus du niveau des mers, comme le sont plus ou moins les côtes du Poitou et de la Vendée[1]? C’est là une question géologique des plus intéressantes à laquelle on ne peut, dans l’état actuel de la science, répondre d’une manière catégorique. Quoi qu’il en soit, il est certain que le pays était autrefois recouvert en grande partie par les eaux du golfe. En une multitude de localités, situées dans l’intérieur des terres et à une élévation de plusieurs mètres au-dessus de l’Océan, on rencontre sous la couche de terre végétale une argile grise, rouge ou bleuâtre, qui doit avoir été apportée par les eaux marines, soit

  1. Voyez à ce sujet l’étude de M. de Quatrefages sur les côtes de Saintonge, Revue du 15 avril 1853.