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tance. Ce n’est pas à dire que l’avenir lui manque. De tous les avantages naturels qu’elle possède, un seul a jusqu’ici été apprécié à sa juste valeur, la supériorité militaire de la rade d’Halifax. Il n’en saurait être autrement aussi longtemps qu’un lien commun ne rattachera pas en un seul groupe les diverses possessions anglaises de l’Amérique du Nord, c’est-à-dire les îles du Prince-Edouard et du Cap-Breton, le Nouveau-Brunswick, objet incessant de la convoitise américaine, Terre-Neuve et ses opulentes pêcheries, le Canada enfin avec son immense territoire offert à la colonisation. Au centre viendrait se placer la Nouvelle-Ecosse, riche de ses minéraux, de ses houilles surtout, forte de son attachement héréditaire à la couronne, et destinée par sa position géographique à devenir le siège de la centralisation administrative du groupe. Halifax en effet est accessible en toute saison ; jamais les glaces de l’hiver ne viennent fermer l’entrée de sa rade, comme à Québec et dans les autres ports de la même région. L’idée de cette confédération n’est pas nouvelle, et à diverses reprises elle a été mise en avant; mais il ne suffira pas d’un simple décret pour la réaliser : il faudra auparavant relier ces pays entre eux, établir entre les populations des rapports plus intimes que ceux qui ont existé jusqu’ici, et c’est là surtout une affaire de voies de communication, en d’autres termes une affaire d’argent.

Construire un chemin de fer intercolonial qui vienne aboutir à Québec, tel est le premier pas vers l’union désirée, et Halifax, qui serait la tête naturelle de cette ligne, verrait par ce seul fait décupler son importance. Plusieurs fois déjà la question a été l’objet d’études sérieuses, tant à Londres que sur les lieux mêmes. Le grand obstacle est la lourde dépense qui en résulterait, dépense à laquelle les colonies intéressées sont naturellement loin de pouvoir faire face. Il est à craindre de plus, on l’a dit, que ce chemin ne soit pas une meilleure opération financière que ne l’a été le Grand Trunk Railway au Canada. Pas plus qu’aucun autre peuple, l’Anglais n’aime à voir ses capitaux improductifs. Toutefois l’exemple du Grand Trunk Railway est mal choisi : il était difficile que la concurrence du Saint-Laurent, le long duquel cette ligne est construite entre Montréal et Québec, n’en diminuât pas les revenus pendant une grande partie de l’année, tandis qu’un chemin aboutissant à Halifax rendrait au contraire au commerce du Canada pendant l’hiver une partie de l’activité dont il est privé par les glaces de ses ports. Le point de vue commercial d’ailleurs n’est pas le seul qu’il faille envisager, et un exemple récent a montré à quel point il est de l’intérêt bien entendu de l’Angleterre d’avoir en toute saison ses communications assurées avec le Canada. Combien de millions