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naturellement des plus élémentaires. Les mineurs les plus avisés s’acharnaient à leur veine de quartz afin d’en préparer le plus possible pour la machine à broyer (crusher) qui serait montée plus tard. D’autres, avides de réaliser sur-le-champ même, écrasaient le minerai avec le marteau et le lavaient séance tenante. Dans un pays où la journée de travail se paie 6 francs, beaucoup de ces derniers eussent gagné autant à toute autre occupation; mais il faut bien admettre que les fauves reflets de ce métal, pépites, poudre ou paillettes, allument chez le chercheur d’or une fièvre d’une nature spéciale. Combien d’heures ne suis-je pas resté moi-même, accroupi sur le bord d’un ruisseau, à contempler ces lavages, à voir la poignée de terre et de gravier mise dans une simple écuelle de fer battu se réduire progressivement, jusqu’à ce que quelques points jaunes vinssent à y briller çà et Là! Ces mineurs ne faisaient pas mystère de leurs trouvailles comme ceux de la Californie. Ils étalaient au contraire avec orgueil ceux de leurs fragmens de quartz où l’or se montrait en plus grande abondance, et vidaient complaisamment sous vos yeux la petite boite où se trouvaient les quelques pincées d’or, fruit du travail de la semaine. On eût dit qu’ils cherchaient une sorte d’encouragement moral. Tangier, Sherbrooke, Lunenburg, étaient leurs principaux centres d’opération; ils s’y comptaient par centaines. A Laurence-Town, à Allan’s-Farm et ailleurs, leur nombre était plus restreint, et c’était au milieu des bois qu’on les rencontrait, éparpillés sur le flanc du coteau que leurs pics éventraient. Partout leur travail était marqué au sceau d’une commune morosité, d’une même préoccupation taciturne.

Je me souviendrai longtemps d’un mineur qui me raconta sa triste histoire aux diggings de Laurence-Town. Bien qu’il n’eût pas quarante ans, le pauvre homme paraissait presque sexagénaire, et cette vieillesse prématurée s’expliquait uniquement par quelques années de luttes et de travaux infructueux, qu’il avait passées d’abord en Californie, puis sur les bords de la rivière Frazer. « Je suis né chercheur d’or, disait-il en fixant sur moi un regard où perçait une nuance d’égarement; ce sera la passion de toute ma vie, et je n’y ai jamais trouvé que misères et privations. » Après avoir vécu douze ans sur les bords du Pacifique, il retournait dans le nord de l’Angleterre pour réaliser un mince héritage, lorsqu’à New-York le bruit des découvertes de la Nouvelle-Ecosse vint jusqu’à lui. Il n’avait pu résister au désir de venir de nouveau tenter la fortune ; mais, à peine arrivé, sa manie l’avait lancé dans une voie imprévue. Non loin de Lunenburg est une petite île nommée Oak-Island, où une tradition locale veut qu’un célèbre pirate nommé Kidd ait enfoui une partie des richesses qu’il avait amassées dans ses courses. Quelques pau-