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unes 8,000, d’autres à la vérité ne rapportèrent que 3,000 francs, quelques-unes même rien. Six hommes en exploitaient une à Sherbrooke, de laquelle ils retirèrent en trois mois dix tonneaux de quartz pouvant donner 2,000 fr. l’un, plus 23 tonneaux d’une qualité inférieure, à 700 francs l’un environ : cela faisait à chacun des travailleurs un rendement de près de 6,000 francs brut. Cette expérience est l’une des plus concluantes que l’on puisse citer, parce qu’il n’y est question que de minerai et non de pépites exceptionnelles, sur lesquelles nul ne doit compter. Chaque concession mesure 50 mètres sur 80 et est assujettie à une redevance annuelle de 200 francs. D’autres plus grandes, de 150 mètres sur 160, sont imposées à 1,200 francs par an. Des mines de cette sorte appellent naturellement une intervention de compagnies et de capitaux, car l’or ne peut y être obtenu qu’au moyen de l’outillage assez dispendieux des machines à broyer le quartz; mais tout porte à croire que cette découverte sera pour la Nouvelle-Ecosse le point de départ d’une ère meilleure. En enfouissant ces trésors dans les entrailles de la terre, la Providence semble avoir eu pour but de ne les révéler à des intervalles connus d’elle seule qu’afin de donner de loin en loin aux progrès de l’humanité une impulsion inattendue, à l’expansion de notre race un nouvel essor. On l’a pu voir en Australie et en Californie, et ce qui s’est passé là en grand se passera en petit à la Nouvelle-Ecosse. Il est mieux pour elle que ses mines n’offrent pas le caractère aléatoire qui distinguait celles des deux pays que nous venons de nommer; sa population y gagnera en moralité, en esprit de conduite et de travail, et si elle en est réduite à ignorer les bienfaits de la loi de Lynch, si le sort lui refuse la gloire bruyante des argumentations à coups de revolver en revanche elle jouira de l’aurea mediocritas du poète dans l’acception la plus littérale du mot. Il serait peu sage à elle de se plaindre.

Pour qui avait été témoin de la fièvre californienne de 1852, les mines de la Nouvelle-Ecosse étaient doublement curieuses. On eût dit un placer du Sacramento vu par le gros bout de la lorgnette. C’étaient bien les mêmes mineurs aux chemises de laine, aux chapeaux de cuir bouilli, aux rudes bottes montant jusqu’aux genoux; mais leurs allures étaient si paisibles, si honnêtes, si primitives, qu’on eût pu les croire bourgeoisement occupés à extraire du sol le métal le plus ordinaire. Point de meurtres, point de rixes, point de vols même. Chacun dormait sans crainte dans la hutte grossière qu’il s’était faite de bois ou de branchages, sans serrure et souvent sans porte. Pendant toute cette première année, les travailleurs n’opérèrent que par petites bandes; les compagnies sérieuses ne s’étaient pas encore formées, et les procédés d’exploitation furent