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Ecosse. Le gouverneur y représente la couronne; une chambre haute, composée de membres nommés à vie, jouit de pouvoirs analogues à ceux de la chambre des lords, et le rôle des communes est dévolu à une assemblée élective, renouvelable tous les quatre ans. Cette dernière tient les cordons de la bourse, règle les dépenses, dispose du revenu et fixe les impôts. Elle fait et défait les ministres, elle a ses whigs et ses tories, ses ministériels et ses radicaux, ses tumultes et ses séances nocturnes, absolument comme au palais de Westminster. Les membres du cabinet ont également, comme à Londres, l’angoisse des boules noires ou blanches, et le gouverneur plane philosophiquement au-dessus de cette atmosphère de scrutin, comme le monarque dont il est l’émanation. Il est certain qu’à première vue tout l’avantage d’une semblable combinaison paraît être pour la colonie : elle a pour se défendre d’excellens soldats qu’elle ne paie point, ses côtes sont protégées par les premières flottes du monde, et il ne lui en coûte pas un sou. Elle ne connaît en un mot des charges gouvernementales que le côté utile, et, tout en rayant de son budget ces deux objets de luxe que l’on nomme guerre et marine, elle n’en jouit pas moins de l’immense prestige moral qui s’attache au nom de l’Angleterre. Quel intérêt, se demandent certains économistes, quel intérêt a cette dernière à entretenir ces escadres, à solder ces coûteuses garnisons, s’il ne lui en revient rien? Pour eux, dans un marché entre deux parties, ce que gagne l’une, l’autre le perd; la vérité est au contraire que ce que l’une gagne, l’autre le gagne aussi. Songe-t-on assez aux avantages sans nombre qui résultent pour l’Angleterre de toutes ces positions choisies avec un si profond discernement? Quelles complications peuvent la prendre au dépourvu? Il n’est pas de mer lointaine où sa prévoyance ne se soit de longue main assuré les meilleurs ports et les places les plus fortes ; on dirait un vaste réseau dont les mailles enserrent le globe. Qu’une guerre vienne à surgir avec les États-Unis, les vaisseaux anglais verront leurs croisières le long de cette immense côte encadrées entre deux arsenaux de premier ordre, toujours amplement approvisionnés, — les Bermudes au sud, et au nord Halifax. Supposons la France dans le même cas, ses flottes seront dépourvues de toute base d’opérations, et, pour trouver un point de relâche, force leur sera ou de descendre jusqu’aux Antilles, à la Guadeloupe, à la Martinique, ou de remonter vers Terre-Neuve jusqu’à l’îlot lilliputien de Saint-Pierre-Miquelon, sur lequel les traités nous interdisent d’élever un fort ou d’entretenir une garnison.

Pour une puissance essentiellement maritime comme la Grande-Bretagne, ces considérations sont de premier ordre, mais elles ne