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elles règlent elles-mêmes leurs propres affaires, se développent et jouissent sans restriction de toute la liberté que comportaient à cette époque les lois britanniques. Survint la guerre de l’indépendance américaine, qui changea brusquement le cours des idées et inaugura la deuxième phase. Là, il faut le reconnaître, l’Angleterre fit fausse route : elle crut réagir efficacement contre les menaces de l’avenir en substituant le monopole aux franchises, les restrictions aux libertés, et ne réussit de la sorte qu’à retarder d’un demi-siècle le progrès de ses colonies. C’est ainsi que l’on vit en 1837 une partie du Canada se soulever pour appuyer des réclamations dont aucune n’eut été repoussée à Londres cent cinquante ans auparavant; mais cet exemple porta ses fruits, et, le progrès des idées économiques aidant, la Grande-Bretagne entra en 1840 dans la voie libérale qu’elle continue à suivre de plus en plus résolument. De ces trois phases, la Nouvelle-Ecosse n’a connu que les deux dernières. Française jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, elle n’a été anglaise qu’à partir du jour où commençait la marche rétrograde que nous avons signalée; il faut lui en tenir compte, et ne pas s’attendre à trouver chez ses enfans la robuste éducation politique qui distinguait les Américains de 1778. Son rôle a été obscur jusqu’ici; mais il peut acquérir une haute importance relative dans l’économie future des possessions britanniques de cette partie du globe[1].


I.

Si l’on interroge un dictionnaire de géographie à l’article Halifax, on y verra qu’il s’agit d’une ville de 25,000 âmes, capitale de la Nouvelle-Ecosse, ayant tout à la fois un beau port, un commerce actif, une citadelle, un arsenal et deux évêques, l’un protestant, l’autre catholique. L’Anglais que l’on questionnera sur cette même ville sera plus explicite; elle sera pour lui la clé des possessions britanniques de l’Amérique du Nord et le centre d’une future confédération, le jour où un lien commun réunira à la Nouvelle-Ecosse Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick, l’île du Prince-Edouard et peut-être les deux Canadas. Pour l’habitant des provinces voisines, Halifax sera avant tout la ville du mariage, a place famous for picking up wives ; le militaire y verra par excellence le pays loyal et dévoué à la croix de Saint-George; le marin enfin n’en parlera que comme du paradis de sa longue campagne. Halifax est en effet tout cela, et jamais les qualités de cette ville hospitalière ne brillèrent

  1. Voyez dans la Revue du 1er octobre et du 1er novembre les premiers chapitres de cette étude.