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jeune Costaki. — Tu as bien agi, mon fils, lui dit-il; maintenant emmène tes compagnons avec toi, et va près de la batterie qui est en amont du fleuve. Quand la cinquième heure sera venue, et dans le moment même où tu entendras que les Russes commencent leur escalade, vous vous précipiterez dans l’enceinte en forçant l’entrée mal gardée du côté de la ville, et vous pousserez de grands cris en demandant le secours des soldats de la forteresse contre les bachi-bozouks qui pillent la ville; vous jetterez ainsi le désordre parmi les soldats, et, vous approchant des parapets, vous aiderez les Russes à les gravir. — Il vit ensuite Cyrille, et lui dit : — Sois le bienvenu. — Il donna à Christodoulo, pour agir à la batterie d’aval, les mêmes instructions qu’il venait de donner à Costaki, et désigna Cyrille pour se joindre à cette expédition. Les deux petites troupes allèrent se mettre chacune au nouveau poste qu’Eusèbe leur assignait.

La batterie qui est en amont, du côté du port, fut en effet attaquée à l’heure dite. A la tombée de la nuit, les Russes, au nombre de trois mille environ, sous la conduite du colonel Fotzer, avaient traversé le Danube sans difficulté fort au-dessous de Routchouk. Dès qu’ils furent établis sur la rive droite du fleuve, le colonel fit partir le détachement qui devait tourner la ville, ainsi qu’il avait été convenu, et qui avait un long chemin à faire. Ce détachement, fort d’un millier d’hommes, opéra heureusement sa marche tournante. A l’heure indiquée, les hommes s’approchèrent silencieusement de la forteresse. Les premiers, munis d’échelles, descendirent en un point du fossé où il n’y avait pas d’eau, puis les échelles furent appliquées contre la muraille; mais depuis longtemps la garnison, réveillée par le bruit extraordinaire qui se faisait dans la ville, avait pris les armes. Les sentinelles aperçurent les Russes, donnèrent l’alarme, et, au moment où les assaillans allaient déboucher sur la crête, toutes les échelles furent à la fois détachées du parapet et renversées dans le fossé. Une vive fusillade partit alors de la batterie, et peu d’instans après des boulets de canon balayèrent le revers du fossé. En ce moment même, Costaki et les siens, avec un sang-froid et un courage dignes de triompher, franchirent une porte qui était ouverte du côté de la ville, parce que des soldats turcs se préparaient à sortir. Ils se précipitèrent dans l’enceinte, criant qu’ils voulaient voir le commandant pour demander aide et vengeance, et, courant de tous côtés, ils jetèrent quelque désordre parmi les Turcs; mais bientôt, maltraités et poursuivis à coups de baïonnette, ils furent obligés de fuir sans avoir pu s’approcher du parapet. Alors l’officier qui commandait le détachement russe, désespérant de réussir, fit sonner la retraite, rallia de son monde tout ce qu’il put et retourna sur ses pas, suivant le chemin par où il était venu, pour essayer avant le