Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/845

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

j’ai besoin de votre secours. Je sens que je devrais aimer Cyrille, parce que c’est un garçon qui est dévoué à votre sainte cause et qui est aujourd’hui dans un cachot pour vous avoir servie. Cependant je sens que je ne l’aime point. Je ne l’ai jamais aimé, bonne Panagia; je ne lui ai jamais rien dit qui pût l’encourager à me vouloir pour femme.

Popovitza tenait ses regards attachés sur le visage de la madone. Il lui sembla en ce moment que les yeux de la Panagia prenaient une expression de colère et qu’elle lui disait :

— N’as-tu pas donné ton anneau à Cyrille quand il partait pour exécuter les ordres de ton père ?

— Hélas! oui, dit Popovitza toute tremblante, il allait s’exposer à de si grands dangers! Il allait remplir une mission à laquelle mon père attachait tant de prix ! Le triomphe de votre sainte cause en dépendait. Je lui ai donné aussi une branche de ce buis qui est auprès de vous. C’est elle qui l’a fait réussir, avec votre divine protection. Vous achèverez de le sauver, vous le tirerez de son cachot. Il paraît que le pacha n’est pas irrité. Quant à l’anneau, eh bien! je m’expliquerai avec Cyrille, je le lui redemanderai, il me le rendra; il sera heureux avec une autre femme. Je connais plus d’une fille entre mes compagnes qui sera joyeuse de le prendre pour mari, Elenco d’abord, Paraskévi aussi; il pourra choisir.

Elle crut entendre la Panagia, ayant toujours l’air irrité, lui dire alors : — Parle-moi donc du jeune étranger!

Un frisson glacial courut dans les veines de Kyriaki, qui resta longtemps sans rien répondre.

— Je suis bien coupable! dit-elle enfin. Comment en si peu de temps suis-je devenue si faible ? Mais vous viendrez à mon aide, ma bonne protectrice! Je n’aurais pas dû aller ce soir au jardin, car je me doutais bien qu’il viendrait. Si vous l’exigez, Panagia, je ne le verrai plus. Si vous voulez que je vous en fasse la promesse, je vous la ferai.

Comme la Panagia, que Kyriaki regardait toujours attentivement, ne répondait pas, celle-ci, un peu enhardie, reprit après un silence : — Cependant il est si bon! il a mis tant d’empressement à me rendre service ! il sait tant de choses, et il vient de si loin après avoir vu sur son passage tant de contrées différentes ! Cela ne le rend pas fier, et il cause avec moi bien simplement. Et puis il est connu dans son pays comme très courageux, et s’il embrasse ici votre cause, il pourra puissamment aider mon père.

— Crois-tu donc qu’il veuille t’épouser? — Telle fut la question qui sembla sortir alors des lèvres de la Panagia.

— Hélas! répondit Kyriaki, je suis bien indigne de lui! M’épou-