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titre de souverains. Cette machine a une main qui avance et se retire à intervalles égaux, — quelques secondes environ, — et à chaque fois elle pousse un blank sur une sorte d’index en acier doué d’une sensibilité merveilleuse. Ici la machine hésite, on dirait qu’elle réfléchit ; enfin elle se décide, et le blank jugé, poussé d’ailleurs par un autre qui lui succède et qui va subir la même épreuve, tombe dans un des trois compartimens intérieurs de la boîte, selon qu’il est lourd, léger ou moyen. Cette scrupuleuse balance, qui découvre et dénonce la moindre erreur avec une sûreté inévitable, qui apprécie la centième partie d’un grain, me rappela l’effrayante balance qui pèse les âmes dans les mythologies antiques.

Toutes les opérations que nous venons d’indiquer se font d’ailleurs en un clin d’œil ; chaque machine juge vingt-trois blanks par minute, et, comme il y en a douze, ces ingénieux appareils peuvent peser 80,000 livres sterling dans une journée. On a calculé que le pesage exécuté par ces automates, n’étant plus fait à la main dans des balances ordinaires, constituait pour la Monnaie de Londres une économie annuelle de 50,000 francs. Derrière les machines muettes se tiennent des jeunes gens encore plus muets, à l’air intelligent et sérieux, qui n’ont d’ailleurs qu’à laisser faire les balances et à les nourrir de blanks. Qu’advient-il pourtant de ces pièces d’or qui ont été séparées en trois classes dans les trois compartimens des weighing machines ? Les légères (light) sont à jamais réprouvées (vade retro) ; elles ne sont plus bonnes qu’à être refondues. Les lourdes (heavy) jouissent du droit d’appel en grâce ; elles passent en conséquence par une ingénieuse machine qui se trouve dans la même salle, et qui, au moyen d’une lime, enlève l’excédant du poids. Elle réduit ainsi mille pièces par minutes[1]. Enfin les moyennes vont poursuivre, sans aucune altération, le cours des progrès mécaniques. Il leur reste pourtant encore une épreuve à traverser : le poids ne suffit point, il faut en outre que les blanks résident un son musical. On les jette l’un après l’autre, avec force, sur un bloc de fer, et les muets (dumb) sont rejetés et reportés dans la fonderie aussi bien que les légers, car il n’y a point d’autre moyen de rendre la parole à l’or que de le remettre au feu.

Les travaux qui vont se succéder maintenant de salle en salle convergent tous vers le même but, préparer les blanks à recevoir l’empreinte légale. Ces derniers sont envoyés dans le marking room, où les attend une nouvelle machine, marking machine, destinée à relever en bourrelet les contours circulaires de leur surface plate et unie. Cette machine est douée d’une adresse et d’une activité prodigieuses : elle crache (splits) six cents pièces d’or par mi-

  1. Cette machine a été inventée par M. Pilcher.