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portance de cette pratique au point de vue de la sécurité commerciale, laquelle s’appuie en partie sur la sincérité du numéraire ? La salle du pesage se distingue par un silence particulier, car ici les machines elles-mêmes ne parlent plus ; si le recueillement du travail donne aux autres ateliers de la Monnaie l’air d’un temple, le weighing room en est le sanctuaire. On dirait, pour le style de l’architecture et pour le choix des ornemens, le laboratoire secret d’un musée scientifique. Sur une sorte de comptoir qui court tout autour de la salle, laissant un vide au milieu, s’élèvent douze balances automatiques. Il ne faudrait pourtant point se figurer, sur la foi du nom, la forme des balances ordinaires, avec un fléau et deux plateaux d’égale grandeur ; celles-là sont de rares et curieuses machines, enfermées dans une boîte d’acajou, posées sur un piédestal en fer orné, et recouvertes d’une cage de verre qui les préserve de la poussière et de l’humidité ; elles ressembleraient plutôt à autant de pendules ou de chronomètres. Ces machines ont été inventées en 1842 à la Banque d’Angleterre par William Cotton, un des gouverneurs ; plus tard elles furent adaptées aux besoins de l’hôtel de la Monnaie par Napier, d’après les conseils de M. Pilcher, l’officier qui préside encore aujourd’hui aux travaux du weighing room, et qui voulut bien m’expliquer tous les détails de son département avec les lumières d’un esprit pratique et l’obligeance d’un homme du monde. Telle est la perfection du mécanisme, qu’après au moins une dizaine d’années de service quotidien les parties les plus délicates de ces balances sont encore aussi intactes que le premier jour où elles sortirent des mains de l’ouvrier. L’épithète d’automatiques est bien celle qui leur convient, car, non contentes de peser, elles exécutent machinalement une des plus minutieuses opérations de l’esprit, celle de juger et de choisir. Ces douze machines tiennent en quelque sorte conseil entre elles et décident en dernier ressort sur la valeur de tout le travail qui a été fait jusqu’ici dans les ateliers. Qui croirait que malgré l’excellence des laminoirs et toutes les précautions prises pour assurer l’uniformité de l’épaisseur, il ne se rencontre guère deux surfaces rondes de la même grandeur (blanks) qui se ressemblent exactement pour le poids ? Dans cet état de choses, il a fallu établir, comme remède au mal, une zone conventionnelle dans laquelle on laisse flotter le poids légal des pièces d’or. Ces dernières peuvent peser en plus ou en moins à peu près le quart d’un grain : on les appelle alors moyennes (medium ), c’est-à-dire comprises dans les bornes étroites du droit ; mais en-deçà ou au-delà de cette limite elles sont déclarées trop légères ou trop lourdes. Qui décidera cette délicate question ? Le juge, c’est-à-dire la balance automatique, appelle l’un après l’autre devant son tribunal les blanks, qu’on pourrait appeler jusqu’ici des candidats au