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l’or est devenu barre. Ces barres d’or massif ont environ 1 mètre de longueur sur 1 pouce ou 1 pouce l/2 d’épaisseur ; deux d’entre elles pèsent 60 livres anglaises. Après avoir été éprouvées dans une balance, elles quittent le melting room, qu’on appelle par dérision la « cuisine de l’or, » et se trouvent solidement enfermées sous clé dans une sorte de cachot jusqu’au moment où l’essayeur (king’s assay master) déclare qu’elles sont d’une qualité conforme aux exigences de la loi. Ce jugement rendu, elles sont remises entre les mains de l’ancienne société des moneyers. Ici commence en effet la série des travaux qui doivent convertir ces barres en monnaie courante.

Le premier théâtre de ces procédés mécaniques est le rolling room. Dans cette salle se trouvent transportées et empilées en tas les barres d’or qu’il s’agit maintenant de réduire par degrés à l’épaisseur d’un souverain ou même d’un demi-souverain. Elles passent pour cela à travers une série de laminoirs (rollers). Une machine à vapeur de la puissance de trente chevaux communique le mouvement, la vie à ces énergiques rouleaux d’acier, dont le rôle est d’aplatir les barres d’or au point de les transformer en lames amincies comme des rubans. Ces rubans, qui traînent à terre, ont une largeur de deux souverains posés l’un à côté de l’autre ; si l’on juge cette largeur trop considérable, des ciseaux circulaires divisent chaque bande en deux lanières égales. Les lanières d’or ont bien acquis à peu près, sous l’horrible pression des rouleaux, le degré d’amincissement voulu, mais elles doivent encore subir dans une autre chambre une dernière épreuve. Cette autre chambre, qu’on appelle drawing room, sert de logement à une machine le draw-bench (banc à étirer), qui passe pour un des chefs-d’œuvre de l’art. Le devoir de cette machine est, comme on me l’a expliqué, de régler la substance du métal, c’est-à-dire d’obtenir un degré plus parfait d’uniformité dans l’épaisseur des fillets ou rubans d’or. Une des extrémités du ruban est introduite entre deux cylindres d’acier poli dans la bouche d’un instrument qu’on appelle le chien (dog). Plusieurs de ces machines ont des organes qui ressemblent à ceux de la vie animale et qui en ont reçu les noms, tels que les doigts, la langue, la mâchoire. Le chien, lui, a une face ronde, deux yeux qui sont des vis, une large gueule, des dents, une queue, et, comme le chien Toby un petit chapeau sur la tête. Il s’avance maintenu par une longue chaîne ; avec sa gueule, il saisit le bout du ruban d’or ; avec ses dents et sa queue, fixée sur la chaîne, il attire toute la longueur du ruban vers les cylindres ; à la fin, son chapeau se soulève par l’effet d’une légère secousse, l’avertissant ainsi de lâcher prise et d’abandonner sa proie, c’est-à-dire la bande de métal, qui a maintenant passé par