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est en pierre. Le pavé de cette cour se montre entrecoupé çà et là par des tramways, sortes de rubans de fer incrustés dans le sol, et sur lesquels roulent au besoin de petits chariots couverts de sacs d’or. On a là devant soi trois départemens dont les noms donnent bien une idée de la division générale du travail : dans le premier, on coule l’or (gold melting house) ; dans le second, on le lamine (rolling house) ; dans le troisième, on le frappe d’une empreinte (coining press house). L’ordre rationnel des faits veut que nous visitions d’abord le département où l’or va recevoir encore une fois le baptême du feu.

À son entrée dans le Royal Mint, le bullion, ou lingot d’or, est reçu par le maître député et ouvrier (deputy master and worker) ; il passe ensuite par les mains de l’essayeur du roi (king’s assayer) ; enfin il est inscrit sur un livre par le contrôleur (comptroller), avec le poids tel qu’il a été déclaré par le peseur (weigher and teller), le degré de raffinement, la valeur, le nom du propriétaire et la date du jour. Muni de tous ces certificats de mérite, le lingot se trouve maintenant propre à être mis au pot. C’est à ce degré des nouvelles épreuves que nous le retrouvons dans le melting room de la Monnaie. Cette dernière salle, — avec une fournaise chauffée d’abord au charbon de bois, puis au coke, des creusets de terre et de mine de plomb rougis au feu, des ouvriers à la figure noire et au tablier de cuir, — ressemble beaucoup à ce que l’on a vu déjà chez les fondeurs d’or. La refonte du métal a pourtant ici un but particulier : il s’agit de l’amener au type (standard) qui est exigé en Angleterre pour le cours légal de l’or (legal tender). Si le lingot est trop pur, on y mêle dans les pots un peu plus d’alliage de cuivre, et si au contraire il ne se montre point à la hauteur du titre voulu par la loi, on y ajoute de l’or raffiné. Dans tous les cas, la proportion d’alliage ne doit être que de deux parties de cuivre contre vingt-deux parties d’or ; il n’y a dans le monde que le souverain anglais et les pièces russes qui atteignent ce degré de valeur intrinsèque. Lorsque le métal a bouilli à plusieurs reprises sur le feu et qu’il dégage une belle clarté, les ouvriers l’agitent de temps en temps avec des baguettes de fer chauffées à blanc, qui, au milieu de ce pandémonium, ont tant soit peu un air magique, puis ils le versent dans des moules. Chacun des vases rougis et transparens d’où l’or coule en flamme contient la valeur de 5,000 livres sterling. Les moules forment des espèces de tuyaux creux rapprochés les uns des autres, et qui, s’ils étaient ronds au lieu d’être carrés, ne ressembleraient pas mal à des tuyaux d’orgue. Le jour où je visitai le Royal Mint, il y avait seize de ces tuyaux de fonte qui furent successivement remplis jusqu’au bord. On ouvre alors les moules, et quand le métal est durci et refroidi, il se présente sous une nouvelle forme : de lingot.