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et verse l’or liquide dans le moule. On l’emporte alors dans une autre salle pour le refroidir en le plongeant dans l’eau ; il revient dans la fonderie au bout de trois ou quatre minutes (l’or se refroidit très vite), mais il a changé de couleur durant le trajet : de rouge il est redevenu jaune. L’or a généralement besoin d’être fondu plusieurs fois et traité par le borax avant de se dégager entièrement des matières étrangères qui s’attachaient au minerai : on ne veut indiquer ici que la méthode générale.

L’argent passe de son côté par les mêmes épreuves ; seulement on le fond d’ordinaire en plus grande quantité et dans des vases plus longs. Le jour où je visitai la raffinerie, il y avait au feu un creuset déjà rougi où l’on jetait d’anciennes pièces d’argent espagnoles, qui tombaient avec un bruit clair et harmonieux. L’ouvrier fit chauffer un moule qui ressemblait, pour la forme et le volume, à ces moules de fer-blanc dont les cuisinières anglaises se servent pour faire une espèce de gâteau, cake ; il répandit ensuite dans les parois intérieures du moule de la poudre de craie, imitant cette fois encore les mêmes cuisinières, qui jettent une poignée de farine[1]. Alors le creuset ôta poliment sa casquette (c’est le couvercle qu’on veut dire, mais ce couvercle ressemble beaucoup à une casquette de jockey anglais), et peu de temps après le pot lui-même apparut. De l’urne de feu penchée coula une liqueur de feu, et, après avoir renversé le moule, les ouvriers, armés de grosses pinces, entraînèrent sur le plancher en fer une masse d’argent incandescente d’où sortaient des étincelles.

À côté de la fonderie, melting room, est une autre salle où l’on raffine l’argent, refining room. Dans cette dernière s’élève un « four réverbératoire, » reverberatory furnace ; c’est le nom donné par les hommes de l’art à une grande fournaise construite de façon à réfléchir la flamme sur le lit où s’étendent les métaux qu’on se propose d’atteindre par l’action de la chaleur. La bouche du four allumé présente un spectacle magnifique : par instans, on ne découvre à l’intérieur qu’un tourbillon, une tempête de feu et de flamme ; d’autres fois au contraire, on aperçoit le métal liquide se plissant comme la surface d’un lac sous une brise douce et avec cette blancheur éclatante de la lune quand elle semble se fondre sur les eaux légèrement ridées. Un tel appareil n’a pourtant point été construit, on le devine, pour le plaisir des yeux ; il sert à diviser de l’argent le plomb et le cuivre, qui coulent et tombent goutte à goutte dans un compartiment inférieur du four. Nous avons vu que l’or venait surtout d’Australie. D’où vient l’argent ? Les neuf dixièmes de ce métal arrivent en Angleterre du Mexique et de l’Amérique du Sud. La

  1. On procède ainsi pour que l’argent ne s’attache point à la fonte.