Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/785

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dant, les mines les plus riches étaient celles de la Sibérie et des montagnes de l’Oural. Les terrains aurifères qui s’étendent le long de cette chaîne imposante semblent avoir été exploités anciennement par les Scythes. En 1842, le produit général des travaux était évalué par les Anglais à 2 millions de livres sterling par an. Il s’est élevé depuis, selon sir Roderic Murchison, à près de 3 millions de la même monnaie. Malgré ces diverses sources d’approvisionnement, l’or, — plus abondant en Angleterre que dans les autres états de l’Europe, — était relativement assez rare, et plus d’une fois la presse britannique fut l’organe de craintes très sérieuses sur la disette du métal précieux par excellence.

Tel était l’état des choses lorsqu’au moment où l’on s’y attendait le moins, le monde apprit que des champs d’or venaient d’être découverts l’un après l’autre en Californie, en Australie, dans la Nouvelle-Zélande, dans la Nova-Scotia et dans la Colombie britannique. La nouvelle des trésors trouvés dans la Californie produisit en 1848 une immense sensation dans toutes les classes de la société anglaise. En moins de six mois, cinq mille personnes, appartenant surtout à la race anglo-saxonne, s’étaient rendues sur le théâtre des fouilles. Combien plus merveilleux encore fut l’enthousiasme qui éclata en 1851 dans toute la Grande-Bretagne au récit surprenant des richesses aurifères de l’Australie ! L’Angleterre allait donc avoir une Californie à elle, des champs d’or protégés par son drapeau ! Elle, qui jusque-là recevait de l’étranger le précieux métal, allait maintenant l’imposer aux marchés de l’Europe. La découverte cette fois était d’ailleurs bien anglaise ; elle était partie de Londres et des hauteurs de la science. Dès 1844, un célèbre géologue, sir Roderic Murchison, après avoir examiné des échantillons de roches recueillis par un de ses amis, le comte Strzelecki, sur la chaîne orientale des montagnes de l’Australie, s’était écrié, en posant le doigt sur la carte : « Ici cherchez, il y a de l’or ! » Cette prédiction de la science fut répétée par les journaux de l’Australie, et en 1849 un certain M. Smith se présentait à Sydney avec un morceau d’or brut devant les membres du gouvernement colonial. Il proposa de désigner l’endroit où il avait trouvé ce spécimen, et où il y avait beaucoup de minerai précieux à découvrir, si l’on voulait lui donner une forte somme d’argent. Le gouvernement refusa. Rien ne prouvait, après tout, que cet échantillon ne venait point des mines de la Californie, et les autorités de Sydney ne voulaient point encourager sans motif ce que les Anglais appellent une fièvre d’or (gold fever). On engagea donc M. Smith à montrer d’abord le champ d’or qu’il voulait vendre, et à se reposer pour le reste sur la libéralité du gouvernement. M. Smith se retira, emportant avec lui un secret qui ne tarda