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la force, a exercé dans tous les cas une grande influence sur les mœurs et sur les entreprises de nos voisins.

Comment s’étonner après cela que les Anglais aient avidement recherché dans le sein de la terre l’or et l’argent, ces deux métaux précieux qui résument en quelque sorte la richesse sous une forme concentrée ? Ils les ont d’abord poursuivis chez eux. Si l’on en croit César lui-même dans ses Commentaires, les trésors métalliques de la contrée n’auraient point été étrangers à l’invasion des îles britanniques par les Romains. Tout porte en effet à croire que l’or et l’argent existaient autrefois en assez grande abondance sur le sol de l’Angleterre. L’histoire des anciennes mines britanniques se mêle d’une manière assez confuse durant la première période du moyen âge aux légendes du diable, aux contes de fées, de nains et de géans, tant à toutes les époques la découverte de l’or a eu le privilège de surexciter le sentiment du merveilleux. Des documens plus précis nous apprennent que, sous le règne d’Édouard Ier et d’Édouard II, trois ou quatre cents ouvriers étaient employés à Combmartin (Devonshire) dans des mines d’or dont le produit était assez considérable pour aider le prince Noir quand il guerroyait contre la France. L’or a été trouvé et se trouve encore de temps en temps dans beaucoup d’autres comtés du royaume-uni[1] ; mais de toutes ces découvertes la plus mémorable est celle qui eut lieu vers 1796 en Irlande dans le comté de Wicklow. Ce fut d’abord un secret, mais, comme le secret de Midas, il ne tarda point à transpirer à travers les roseaux des marais hiberniens, et toute la population rustique des environs, négligeant le produit de ses champs, accourut pour récolter cette moisson d’or. La foule resta en possession du terrain durant six semaines, et butina une grande quantité d’or vierge, quand le gouvernement, auquel de par la loi anglaise appartient toute la richesse métallique du sol et du sous-sol, résolut d’ouvrir des travaux réguliers. Un acte du parlement décida que l’entreprise serait conduite par trois directeurs. D’abord les produits de la mine payèrent les dépenses et donnèrent même un bénéfice[2] ; mais les travaux se trouvèrent tout à coup suspendus par la grande rébellion de mai 1798. Ce mouvement ayant été comprimé, on reprit les opérations

  1. Dans la Cornouailles, les ouvriers des mines ramassent assez souvent des parcelles d’or combinées avec le minerai d’étain, qu’ils recueillent dans un tuyau de plume. On peut voir à Londres, au Museum of practical geology, plusieurs échantillons de cet or britannique.
  2. La quantité d’or recueilli par le gouvernement dans le comté de Wicklow fut d’environ 944 onces, représentant une somme de 3,675 livres sterling. Un des morceaux d’or ramassé dans la vallée pesait 22 onces et était regardé comme un des plus beaux spécimens d’or naturel qu’on eût jamais trouvés en Europe.