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y participant nous-mêmes, l’occasion d’un succès qui ne menace d’être un événement grave que parce qu’elle l’a obtenu dans l’isolement. Cette expérience devrait nous apprendre à suivre avec plus de logique les politiques que nous avons adoptées, et dans lesquelles nous avons trouvé des élémens de force et de gloire. C’est ce défaut de logique que nous reprochions, il y a quinze jours, à la politique d’intervention que notre gouvernement a montré l’intention de pratiquer dans les affaires d’Amérique. Pas plus à l’étranger qu’en France, on ne s’est trompé sur le sens de la médiation proposée à l’Angleterre et à la Russie. On y a vu partout un mouvement favorable à la cause des confédérés, et par conséquent contraire à la cause du nord. L’opinion anglaise, qui a toujours été si injuste pour les fédéraux, s’est cependant élevée avec unanimité contre toute idée d’intervention. Elle a en quelque sorte répondu à la dépêche de notre ministre des affaires étrangères par un mouvement en sens inverse. Depuis la proclamation du président Lincoln sur la question de l’esclavage, une certaine réaction en faveur des fédéraux s’est produite en Angleterre. Une association composée d’hommes d’état, de membres du parlement, de ministres de l’église anglicane, d’autres personnages influens, se forme en ce moment même pour appuyer moralement les efforts des partisans de l’Union américaine. L’intérêt de l’Angleterre, d’accord en cela avec la conscience publique, est de ne pas intervenir. L’Angleterre attend, dans un avenir peu éloigné, du coton de toutes ses colonies. Or une seule considération pourrait retenir le zèle, l’activité, l’esprit d’entreprise des nouveaux planteurs de coton : ce serait la crainte de voir prochainement le coton américain reparaître sur le marché. Toute démarche d’un gouvernement européen qui ferait entrevoir cette éventualité découragerait les plantations nouvelles, et retarderait le moment où l’industrie européenne sera affranchie de la servitude si périlleuse où elle était restée, pour le coton, à l’égard des états esclavagistes de l’Amérique. Au point de vue économique, les récentes tendances manifestées par notre gouvernement allaient donc contre son but, et nous espérons qu’elles ne dépasseront pas la dépêche diplomatique où elles se sont révélées. Nous voudrions avoir une espérance de même nature au sujet de notre nouvelle politique italienne ; nous voudrions espérer, malgré la réponse de M. Drouyn de Lhuys au général Durando, que la France n’oppose pas au fond une fin de non-recevoir absolue à la revendication de l’Italie sur Rome. On doit avouer qu’en ce moment une telle confiance a bien plus le caractère d’une vertu chrétienne que la solidité d’une prévision politique. Il est certain cependant que toute la suite de la politique pratiquée par le gouvernement français dans les affaires italiennes conduit logiquement et nécessairement à la fin du pouvoir temporel. M. Drouyn de Lhuys a récapitulé, il est vrai, les réserves en faveur du pape dont notre diplomatie a toujours accompagné ses déclarations à l’Italie : c’était son droit. De telles réserves permettent en effet parfois à la diplomatie de trouver un abri temporaire dans le statu quo ; mais si l’on va au fond des choses,