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seing privé ne pourraient supporter les frais d’un acte authentique, c’est-à-dire passé par-devant notaire, avec les formalités et les charges complémentaires. Avec le régime très modéré dont je fais ici humblement la proposition, la voie authentique serait adoptée universellement. Les opérations d’achat et de vente auxquelles donnent lieu les terrains à bâtir, dans Paris particulièrement, deviendraient ainsi pour l’état une abondante source de revenus et l’origine d’une multitude d’actes pour les notaires.

Je ne dissimulerai pas cependant que le produit rendu par la taxe sur les transmissions d’immeubles à titre onéreux est une très forte somme ; il est monté à 124 millions en 1860. Un ministre des financés avisé ne peut qu’hésiter à compromettre une branche aussi importante du revenu public ; mais, en admettant qu’il y eût ici quelque témérité, n’est-il pas vrai que la hardiesse sied à un grand gouvernement qui se propose un objet aussi sage, aussi conforme aux règles de la bonne administration des états, et en aussi parfaite harmonie avec le génie politique des temps modernes que le sont les progrès de l’agriculture et l’amélioration du sort des populations rurales ? Les hardiesses conformes aux principes de la civilisation sont presque toujours couronnées de succès.

Si l’on objectait que la situation financière est aujourd’hui tendue à ce point qu’il soit impossible de se livrer sur l’heure à une pareille expérience, on pourrait répondre que les finances publiques devront éprouver, avant qu’il soit longtemps, un grand soulagement, parce que de toutes parts en Europe on reconnaît que les dépenses militaires ont été exagérées depuis quelques années, et qu’il convient de les réduire. Quand le moment de cette réduction sera arrivé, le système des impôts pourrait être remanié de manière à comporter la réforme suggérée ici. Il y a même dans le revenu public de la France un mouvement ascendant tellement prononcé, par le seul fait du libre développement des transactions et des consommations, que si l’on prenait et tenait la ferme résolution de s’abstenir pendant trois ans de grossir le bloc des dépenses de l’état, il n’en faudrait pas davantage pour compenser la diminution de revenu qu’aurait occasionnée la réforme, en évaluant cette diminution fort au-delà de ce qu’elle peut être.

Quand bien même il faudrait, ce que je ne crois point, que pour combler un déficit qui aurait eu pour origine cet abaissement des droits de mutation, l’on demandât à l’impôt foncier 30 ou 40 millions de plus, la propriété foncière n’aurait pas à en murmurer, et devrait s’empresser au contraire d’y applaudir. Ce sont en effet les propriétaires fonciers qui paient la somme aujourd’hui, je veux dire la somme de 124 millions à laquelle s’est élevé le produit de la taxe