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fait croire qu’il aura une longue durée. Il n’est pas parfaitement sain ; un très léger défaut, qui doit être dans les environs des Baléares, s’est déclaré après la pose : grâce à des précautions minutieuses, les électriciens espèrent qu’il ne s’aggravera pas, et dans l’état actuel il est trop insignifiant pour être un obstacle aux communications télégraphiques. La vitesse de transmission peut atteindre treize mots par minute, et n’est habituellement que de huit à dix mots, ce qui suffit parfaitement à assurer le service. La ligne de jonction entre la France et sa colonie d’Afrique présente un intérêt tel que personne à coup sûr ne la croira payée trop cher par les 2,825,000 francs déboursés pour arriver à ce résultat.

En 1859, le cabinet anglais projetait l’établissement d’une ligne sous-marine directe entre les îles britanniques et Gibraltar. Effrayé par les désastres récens du transatlantique et de la ligne des Indes, il ne voulut pas s’engager dans une nouvelle entreprise sans avoir éclairci complètement les questions douteuses. C’est à cette occasion que fut institué le comité d’enquête sur la construction et la pose des câbles sous-marins. La ligne de Falmouth à Gibraltar aurait eu 2,300 kilomètres de longueur au moins, et la profondeur la plus grande était de 4,000 mètres au milieu du golfe de Gascogne. Cette communication ne répondait pas à un besoin bien pressant, puisque les correspondances entre Gibraltar et l’Angleterre pourraient être échangées par le continent; c’était plutôt une entreprise politique et peut-être aussi, dans la pensée de ses promoteurs, le premier chaînon d’un réseau qui aurait réuni toutes les colonies anglaises sans sujétion d’un territoire étranger. Le câble était déjà fabriqué quand, nous ne savons pour quelle cause, sa destination fut changée; le gouvernement anglais décida qu’il serait immergé entre Rangoon et Singapore, Rangoon est la limite orientale du réseau télégraphique indien, et Singapore, à l’extrémité de la presqu’île malaise, est le grand centre commercial de l’extrême Orient, le point d’attache obligé de tous les navires qui vont en Chine, au Japon et dans les possessions hollandaises des îles de la Sonde. Le tracé projeté n’avait que de faibles profondeurs, et la ligne se fractionnait en plusieurs sections pour desservir les points intermédiaires, notamment l’établissement anglais de Penang. Malheureusement le câble avait été imbibé d’eau par son séjour prolongé dans des réservoirs; quelques jours après l’embarquement, l’ingénieur s’aperçut que la garniture de chanvre résorbant l’eau qu’elle avait absorbée, l’enveloppe métallique s’oxydait rapidement, et qu’il en résultait une élévation de chaleur telle que la gutta-percha n’aurait pu la supporter. Il fallut débarquer le câble et renoncer à le transporter dans des régions lointaines.