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la couche de sable fut entraînée par la mer, et le câble, ballotté sur les roches, fut bientôt coupé; il fut réparé et, pour prévenir le retour de cet accident, scellé aux rochers avec des crampons de fer. Un autre accident eut lieu, huit mois plus tard, à 7 kilomètres au large de Portland, sur un fond de roc où, par 40 mètres de profondeur, le câble était roulé par les courans de marée. Cette portion fut relevée, réparée et reportée sur un fond de sable voisin. En d’autres endroits, l’enveloppe de fer fut promptement oxydée, étant successivement immergée et mise à sec par le flot de marée ; ailleurs le câble s’enfonça dans la vase, qui rongeait l’enveloppe ; ailleurs il était recouvert de zoophytes et de végétations marines qui produisaient le même effet. Enfin, et ceci ne peut être qu’une négligence de l’ingénieur ou des employés, une décharge d’électricité atmosphérique eut lieu dans le fil conducteur et y produisit un défaut d’isolement très grave.

On ne peut voir dans tous ces accidens que la preuve d’un mauvais choix du conducteur. Il est clair que de tels échecs ne peuvent faire désespérer de la télégraphie océanique. Récemment le grand câble de Weymouth à Alderney a été détruit sans que nous sachions par quelle cause et ne paraît pas avoir été réparé. Un conducteur immergé entre Jersey et Coutances fait communiquer les îles de la Manche avec le continent.

Nous arrivons à la grande ligne de la Mer-Rouge et de l’Océan-Indien, celle de toutes qui, après le câble transatlantique, mérite la plus sérieuse étude. Deux tracés étaient également praticables pour joindre les Indes à l’Europe : l’un par Alexandrie, Suez, la Mer-Rouge et l’Océan-Indien, l’autre par la vallée de l’Euphrate, Bassorah et le Golfe-Persique. La Mer-Rouge paraissait peu propice à l’établissement d’une ligne télégraphique. Cette mer, isolée des grands courans océaniques qui mêlent incessamment les eaux tièdes de l’équateur aux eaux froides des régions polaires, est en quelque sorte une chaudière à évaporation continue. Le fond est rocailleux et produit beaucoup de coraux. D’un autre côté, la vallée de l’Euphrate n’était pas assez tranquille pour la sécurité des communications télégraphiques, et puis le gouvernement turc se serait sans doute réservé l’exploitation des lignes entre Constantinople et Bassorah. Or les Anglais tenaient avant tout à s’assurer avec les Indes une communication aussi indépendante que possible du contrôle des pays traversés. Ce dernier motif, joint à l’utilité plus grande d’une ligne suivant le trajet ordinaire des correspondances postales, fit sans doute préférer la voie de la Mer-Rouge. Dans l’hiver de 1856 à 1857, MM. Lionel Gisborne et Forde obtinrent des gouvernemens turc et égyptien l’autorisation d’établir une ligne télégraphique à travers l’Egypte et