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sement les insuccès furent presque aussi nombreux que les tentatives. Les procédés qui avaient parfaitement réussi dans un détroit comme le Pas-de-Calais se trouvèrent insuffisans pour les grandes profondeurs et les grandes distances de l’Océan. Des échecs multipliés ont refroidi le zèle, non des ingénieurs, que l’expérience éclaire, mais du public, qui fournit les capitaux. Au lieu de l’enthousiasme des premiers temps, les projets les plus sagement conçus, les mieux étudiés, ne rencontrent plus que le doute ou l’indifférence. On accuse la science d’impuissance ou les savans d’incapacité. Les hommes qui ont créé la télégraphie océanique se sont-ils montrés inférieurs à la tâche qu’ils avaient entreprise? Se sont-ils heurtés à des obstacles insurmontables? Les échecs qu’ils ont subis ont-ils amené le progrès de la science? Que peut faire aujourd’hui la télégraphie? quelles sont ses conditions de succès? quelles espérances peut-on concevoir de son avenir? Telles sont les questions qui s’imposent en ce moment à l’attention publique, et que nous essaierons de traiter.

Après douze années de travaux et de tentatives qui n’ont pas toutes été infructueuses, les documens abondent. En France, nous les trouvons au jour le jour dans les Annales télégraphiques recueil périodique qui enregistre les progrès scientifiques à côté des faits d’expérience. En Angleterre, le rapport d’un comité institué par le gouvernement britannique a jeté une vive lumière sur les questions pratiques et sur l’histoire des premières entreprises. On sait qu’en Angleterre la télégraphie, terrestre ou sous-marine, est une industrie privée. Les lignes qui sillonnent le territoire et celles qui relient les îles britanniques entre elles ou avec le continent sont l’œuvre de compagnies financières qui trouvent dans leurs produits une rémunération suffisante de leurs dépenses d’établissement et d’exploitation. Toutefois les entreprises plus lointaines présentaient tant de chances aléatoires, que les compagnies réclamèrent bientôt l’assistance de l’état. Pendant les premières années, le ministère anglais déclina toute participation pécuniaire, et consentit seulement à faire appuyer par ses ambassadeurs auprès des cours étrangères les demandes en concession de ses compatriotes. Cependant en 1856 une circulaire du secrétaire du trésor fit connaître que le gouvernement pourrait encourager les entreprises télégraphiques par des souscriptions d’actions ou des garanties d’intérêt, sans jamais néanmoins entreprendre lui-même la construction d’aucune ligne. Ainsi en 1856 et 1857 il accorda une garantie d’intérêt à la compagnie transatlantique pour le câble de Terre-Neuve à Valentia, et à la compagnie de la Méditerranée pour les câbles de Cagliari à Malte et à Corfou. En 1858, la ligne des îles de la Manche et celle, beaucoup