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parmi le bétail. Il serait possible cependant d’amener des eaux d’irrigation en Beauce ; on en ferait ainsi un charmant séjour et un territoire aussi fertile que riant.

De même du drainage. En France, sans doute il n’y a pas lieu d’attendre du drainage les mêmes effets qu’en Angleterre, où il a amélioré la culture sur une vaste superficie, parce que dans les îles britanniques l’humidité des terres est un défaut presque général. Il ne laissera pas cependant de rendre des services. Le gouvernement l’a compris, et, imitant résolument ce qu’avait fait le gouvernement anglais, il a pris l’engagement d’avancer à l’agriculture une très forte somme pour cette destination, 100 millions. Malheureusement on n’a pas imité de l’Angleterre les règlemens simples et d’un esprit pratique à la faveur desquels les propriétaires et les fermiers anglais ont pu aussitôt utiliser la libéralité intelligente de l’état. Le génie paperassier, qui tant de fois en France a paralysé les bonnes intentions de l’autorité supérieure, s’est interposé ici, et la dotation de 100 millions, promise à l’agriculture pour le drainage, reste suspendue au-dessus de sa tête comme un appât que la main ne peut atteindre.

Les règles les meilleures au sujet des assolemens, ainsi que pour la préparation, la conservation et le bon emploi des fumiers, engrai9 et amendemens, ont été exposées dans des manuels pratiques et enseignées dans de bonnes écoles comme était Roville naguère, comme est Grignon aujourd’hui, et dans diverses fermes-modèles. Cependant, comme si l’on s’était proposé de contredire par la pratique administrative ce qu’on fait recommander dans les livres et les cours, on laisse subsister une surtaxe de pavillon sur la substance qui possède la plus grande vertu pour enrichir la terre, le guano.

Mais pour se rendre bien compte de la situation de l’agriculture nationale, il faut l’examiner dans l’existence des paysans. C’est malheureusement un fait attesté par l’histoire qu’en France et au dehors, sur la majeure partie du continent européen, les populations agricoles, depuis la chute de l’empire romain jusqu’à une époque peu éloignée de nous, ont été traitées, plus que les populations urbaines, en peuples conquis. Cette oppression a duré presque partout jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, et c’est la révolution française qui est venue en interrompre le cours. Dans le moyen âge et dans les siècles qui suivirent, on les a pressurées et pillées d’une façon odieuse. Quand ce n’étaient pas les grandes-compagnies, les routiers et les malandrins qui les dépouillaient, c’étaient les hommes d’armes des seigneurs. Il n’a rien existé dans les campagnes qui ressemblât à l’organisation protectrice des communes. Lorsque, poussés par le désespoir, les paysans se révoltèrent sous le nom de