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nouveaux engins, qui rendent la guerre de plus en plus ruineuse et meurtrière, tendent par cela même à la rendre aussi de plus en plus rare. Quand le jour sera venu où la moindre expédition pourra suffire à ruiner les finances d’un pays et à détruire des armées entières, on aime à croire que les marines militaires n’auront plus d’autre objet que la police des mers, et ne seront plus destinées au combat ; elles pourront alors sans inconvénient se composer exclusivement de bâtimens en bois, préférables à tous égards. On aura donc toujours besoin de bois pour la construction des vaisseaux, et lors même qu’il n’en faudrait plus pour la marine militaire, il n’en resterait pas moins la marine marchande à pourvoir. Bien que celle-ci ne réclame pas d’aussi fortes pièces que la première, elle n’en est pas moins intéressée à donner à ses navires la plus longue durée et la plus grande solidité possibles. C’est d’après les bois dont ils sont construits que le Lloyd classe les bâtimens qu’il assure. D’ailleurs, dire qu’un bois est propre aux constructions navales, c’est dire qu’il est à la fois léger, nerveux, résistant et durable, c’est lui reconnaître par conséquent des qualités qui le rendent précieux pour une foule d’autres usages. C’est précisément le cas du teck, qui est également très employé dans les constructions civiles, la menuiserie, la carrosserie, l’ébénisterie, etc. Ce qui le rend supérieur au chêne, c’est non-seulement une plus grande ténacité et une incorruptibilité presque absolue, mais encore l’avantage qu’il a sur celui-ci de ne pas attaquer le fer avec lequel il est en contact. L’acide gallique que contient le chêne agit en effet si énergiquement sur ce métal, qu’on a vu en Angleterre en très peu de temps les plaques des bâtimens cuirassés profondément altérées. Les forêts de teck sont nombreuses dans l’Inde ; mais les plus beaux bois viennent de la Birmanie anglaise et du royaume de Siam. Les arbres y sont plus grands et d’un port plus régulier ; on en a mesuré qui avaient près de 40 mètres jusqu’aux premières branches, et il n’est pas rare de voir arriver dans les chantiers des billes de 25 mètres de long sur 80 centimètres d’équarrissage, dimensions que les chênes n’atteignent que bien rarement. Seulement, comme les arbres sont exposés pendant leur vie aux attaques de nombreux insectes, il faut vérifier soigneusement toutes les pièces qu’on emploie pour en reconnaître les défauts. Le teck croît très rapidement dans sa jeunesse ; on en voyait à l’exposition deux plants âgés de deux ans et ayant 10 mètres de haut sur 30 centimètres de tour. Il lui faut cent soixante ans pour atteindre un mètre de diamètre. Les principaux marchés de ce bois sont Malabar, Java, Siam, Moulmein et Rangoon.