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celui de pin de la baie de Moreton (Moreton bay pine). Ce sont des arbres gigantesques, de 75 à 80 mètres de haut sur 3 mètres de diamètre, qui peuplent de vastes étendues le long des côtes. Ils donnent un excellent bois pour l’ébénisterie, et laissent couler une résine pure comme du cristal. Le premier produit en outre des fruits très estimés par les indigènes. Ce sont des cônes d’un pied de long qui croissent à l’extrémité des branches, et qui, arrivés à maturité, laissent échapper leurs graines enfermées deux à deux. Celles-ci ont à peu près les dimensions et le goût des châtaignes grillées ; aussi la récolte est-elle une occasion de réjouissances publiques pour les indigènes, qui viennent de fort loin pour y participer. Chaque tribu, chaque famille possède un certain nombre de ces arbres, toujours les mêmes, qui se transmettent de génération en génération. C’est la seule propriété héréditaire qu’on leur connaisse, et jusqu’ici elle a été respectée par les colons. Malgré ce respect de leur propriété, les malheureux Indiens semblent condamnés à s’éteindre dans l’Australie comme à la Guyane. Il semble que le contact des blancs soit mortel aux Indiens et qu’il les use comme fait le diamant du caillou le plus dur. C’est un fait contre lequel il paraît difficile de lutter et que constate à regret, mais avec une conviction justifiée par des preuves entièrement satisfaisantes (quite satisfactory to my mind), le gouverneur de l’Australie du sud.

Dans les colonies méridionales, les essences forestières ne sont plus les mêmes. Abritées par les montagnes de la Tasmanie contre les vents froids du pôle austral, par une chaîne de montagnes neigeuses qui s’étend au nord-est de Victoria, et que leur aspect a fait appeler les Alpes australiennes, contre le souffle brûlant de l’équateur, les forêts présentent la végétation des pays tempérés. Elles ont bien un peu le caractère tropical vers le sud-est, où l’on rencontre encore certains palmiers ; mais elles le perdent peu à peu à mesure qu’on s’élève. Sur les montagnes, l’eucalyptus se montre jusqu’à une hauteur de 2,000 mètres ; mais bien avant d’arriver a cette limite, où il cesse d’exister, la rigueur de la température en ralentit la croissance. Plus haut, on ne voit guère que des plantes alpestres, dont beaucoup sont d’une grande beauté. Les sommets neigeux des montagnes sont déserts ; mais les plateaux inférieurs, couverts d’un gazon épais, seront bientôt envahis par d’innombrables troupeaux qui feront de cette région une Écosse australienne, tandis que les vallées et les pentes livreront à l’exploitation leurs forêts épaisses. Sur quelques points aussi apparaissent de vastes déserts sans végétation, semblables à l’immense dépression de terrain qui constitue l’intérieur du continent.

Parmi les arbres de cette région, qui sont également ceux de la