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vanes étendues, puis viennent d’immenses forêts toujours vertes, qui couvrent les montagnes et s’étendent au loin dans l’intérieur. Elles renferment une foule d’arbres qui n’ont pas encore de nom dans la science, mais qui enchantent les regards par la beauté du feuillage, la variété des formes et la prodigieuse hauteur des fûts. Ornés de mousses et d’orchidées, ils sont reliés les uns aux autres par une multitude de flancs qui, après avoir escaladé les plus hautes branches, redescendent vers le sol pour y reprendre racine. Des oiseaux, des insectes, des reptiles sans nombre peuplent ces solitudes, arrosées par des ruisseaux couverts de fleurs, et dans lesquelles de rares tribus indiennes, restes des anciens maîtres du sol, viennent encore se réfugier, fuyant la civilisation qui s’avance.

Les Anglais ne les refoulent cependant pas systématiquement devant eux, comme on l’a prétendu ; ils cherchent au contraire à les attirer, et, pour leur inspirer de la confiance, ils ont institué des magistrats spéciaux, appelés protecteurs des Indiens, chargés de défendre leurs droits et de les protéger contre toute oppression. Jusqu’à présent, ces efforts n’ont pas été suivis de succès, et la séparation subsiste entre les races, non par la faute des Anglais, mais par celle des Indiens, qui sont paresseux et répugnent à tout travail[1]. Si l’on pouvait les employer à l’exploitation des forêts, on y trouverait l’occasion de grands bénéfices. Depuis quelques années en effet, ces exploitations ont pris un grand développement, et en 1861 l’exportation des bois s’est élevée à 23,000 mètres cubes ; mais les colons n’ont pas tardé à comprendre qu’à couper toujours sans rien laisser derrière, un jour viendrait où il ne resterait plus rien, et ils n’ont pas attendu que leurs forêts aient disparu pour provoquer des mesures propres à les conserver. Voici le vœu qu’a formé à ce sujet le comité de l’exposition : « En raison des exportations croissantes de nos bois et des demandes de concessions toujours plus nombreuses de la part des exploitans (wood cutters), il y aurait lieu de créer des pépinières (nurseries) d’arbres les plus recherchés, et de préparer à l’avenir des richesses nouvelles pour le moment où les ressources présentes viendront à manquer. On imposerait alors aux concessionnaires l’obligation de planter sous la surveillance d’officiers spéciaux un certain nombre de ces arbres ; en attendant, il faudrait leur interdire l’exploitation des bois en croissance et les obliger à laisser sur pied les arbres au-dessous d’un diamètre déterminé. Il serait aussi à désirer que, soit par la presse, soit par des instructions

  1. D’après M. M’Clintock, le surintendant des fleuves et rivières, qui vit au milieu des Indiens, leur nombre est d’environ 22,000 dans la Guyane anglaise. Sur les frontières du Brésil, qui ne sont pas encore bien déterminées, ils sont quelquefois exposés à des razzias de la part des habitans de cet empire, qui les réduisent en esclavage.