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séquent à des plantes plus nombreuses de s’y développer ; suivant d’autres, ce continent, plus ancien que le nôtre, géologiquement parlant, malgré l’épithète de nouveau qu’on lui donne, est encore couvert aujourd’hui de la végétation des époques antérieures, beaucoup plus riche et plus abondante que celle de l’époque actuelle. Cette opinion, que M. de Candolle a récemment émise dans son bel ouvrage sur la Géographie botanique, s’accorde avec l’aspect général de l’Amérique du Nord, qui, d’après lui, a dû être un continent bien avant que la plus grande partie de l’Europe fût émergée du sein des mers. Certains phénomènes végétaux qu’on rencontre ne peuvent guère laisser de doute à cet égard. Ainsi il existe au Mexique un arbre connu sous le nom de taxodium de Santa-Maria de Ulcé auquel on donne au moins trois mille ans d’existence. Si celui qui l’a produit avait le même âge, il suffit de trois générations de ces arbres pour remonter au-delà des temps historiques. C’est à faire prendre en pitié notre pauvre humanité, même en la supposant douée de la longévité que lui attribue M. Flourens. On cite encore à l’appui de cette opinion l’existence d’un certain nombre de marais dont on n’a même pas trouvé le fond, et comblés d’arbres, tous de la même espèce, qui se sont entassés les uns sur les autres depuis une époque bien antérieure à celle des dernières convulsions géologiques. La plupart des espèces qui composent aujourd’hui les forêts d’Amérique paraissent correspondre à l’époque tertiaire. Faut-il s’étonner alors que ces massifs, contemporains des mastodontes, qui se sont succédé sur le même point pendant des milliers de siècles, aient une grandeur et une majesté dont ne sauraient approcher nos forêts d’Europe, encore si jeunes et cependant déjà si dévastées ? Où sont chez nous ces pins, communs en Floride et en Californie, de 100 mètres de long sur 10 mètres de tour, et âgés de plus de mille ans ? Malheureusement l’exposition ne nous montrait pas de spécimens de ces géans végétaux, et c’est seulement par les colonies anglaises du Canada et de la Guyane que nous avons pu juger des richesses forestières de l’Amérique.

Ancienne colonie française, peuplée encore de nos compatriotes, le Canada nous inspire peut-être moins de sympathie par ses souvenirs, pourtant si vivaces encore, que par l’idée poétique que nous nous en faisons. Nous avons si souvent, avec Cooper et Chateaubriand, erré dans ses forêts solitaires, chassé le daim dans ses prairies sans limites, descendu dans des barques d’écorce le cours torrentueux de ses fleuves, que notre imagination, à ce nom seul, nous ramène toujours à nos rêves de jeunesse ; mais, comme ces portraits qui, après quelques années, ne rappellent plus que les traits principaux des personnes chéries, le Canada n’est plus aujourd’hui tout