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Les administrations publiques pouvaient seules réunir les élémens d’une exposition forestière en 1862, et y joindre les documens statistiques à l’appui[1]. C’est une tâche qu’elles n’ont qu’imparfaitement remplie.

Dans l’exposition française, je ne vois digne de mention que l’application d’un nouveau système d’élagage imaginé par M. de Courval. Tous les forestiers et propriétaires de bois savent que lorsqu’on laisse dans une coupe un certain nombre d’arbres de réserve, il convient de les élaguer jusqu’à une certaine hauteur, afin de forcer la sève à s’élever jusqu’à la cime au lieu de se perdre à nourrir sans profit les branches basses, qui nuisent au taillis. Pour empêcher la pluie de s’infiltrer entre l’écorce et le bois et de provoquer par là la carie des plus beaux arbres, M. de Courval, propriétaire de la magnifique terre de Pinon, imagina d’enduire la plaie d’une couche de coaltar. Cette substance peu coûteuse, produite par la distillation de la houille, forme un enduit qui s’oppose aux écoulemens séveux, met la plaie à l’abri des intempéries et des attaques des insectes, et permet à l’écorce de la recouvrir complètement après quelques années. C’est un procédé fort simple, dont M. de Courval a déjà obtenu les meilleurs résultats, et dont l’utilité peut se mesurer à ce fait que l’emploi de l’ancienne méthode, en viciant et déformant les arbres, lui avait personnellement occasionné une perte de plus de 100,000 francs. C’est donc par millions qu’il faudrait évaluer, pour la France entière, la plus-value que pourraient acquérir les coupes annuelles, si l’usage du coaltar se généralisait.

L’exposition des produits forestiers de l’Algérie était beaucoup plus importante que celle de la mère-patrie. Cela devait être, car les forêts constituent une des principales richesses de notre colonie, tandis qu’en France la production ligneuse est un peu éclipsée par toutes les autres, et n’entre que pour une faible part dans la masse totale des produits. En parlant des richesses forestières de l’Algérie, c’est surtout le liège que j’ai en vue ; il y est beau et abondant, du moins à en juger par les échantillons qu’on en voyait à l’exposition. L’exploitation du liège a été une des premières Industries qui aient

  1. A l’exposition agricole qui eut lieu à Paris en 1860, l’école forestière de Nancy avait envoyé sa magnifique collection de bois indigènes, réunie par les soins de M. Mathieu, professeur d’histoire naturelle, et présentant tout à la fois le caractère scientifique et pratique qui est indispensable pour arriver à un résultat utile. Cette collection comprenait environ neuf cents échantillons de bois, divisés en cinq grandes séries. La première était destinée à faire connaître les caractères botaniques de nos arbres, tandis que les autres, groupant les essences en bois de marine, bois de construction, bois de travail et bois de feu, nous montraient à quoi elles sont propres. Il est très regrettable que cette collection n’ait pas été envoyée à Londres, où elle eût pu servir de modèle aux autres pays pour les expositions futures.