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de chose que cela, ou du moins cela peut se faire sans toucher aux cadres de la société actuelle, sans porter la main sur nos services publics et sur nos mécanismes administratifs : il suffirait d’en changer l’impulsion et de mettre autre chose sous la meule; mais la propriété n’est pas moins déplacée du coup. Otez l’adjonction des plus imposés en toute dépense extraordinaire des communes, abolissez les cotes inférieures à 10 francs, répartissez le déficit sur les cotes supérieures ou sur les successions de quelque importance, décrétez un enseignement primaire tout à la fois gratuit et supérieur à ce qu’il est aujourd’hui;... il n’y a rien là qu’on puisse qualifier précisément de subversion, on ne prononce pas même le nom de l’impôt progressif, toutes les apparences sont gardées, tous les rouages sont intacts; mais ces perspectives ne laissent pas que d’être étendues et peu riantes.

Je ne dis pas que tout cela soit juste ou possible, une réflexion que le lecteur est supplié d’avoir toujours présente à l’esprit : j’en suis seulement à chercher ce qui peut s’offrir de spécieux à des souverains indigens, mais nullement dépourvus de sens commun et de sens moral. Je me demande ce qui peut les tenter comme amélioration de leur sort, sans les révolter absolument et tout d’abord par des scrupules ou par des difficultés insurmontables.

Où l’illusion pourrait bien abonder, c’est sur cette chose obscure et puissante du crédit, une force manifeste, mais servie par un instrument, la monnaie de papier, dont la portée n’est pas claire pour tout le monde. Quelque orateur dira aux masses que le crédit a été jusqu’à présent pour les riches, un privilège de capitaliste et de propriétaire, à l’usage seulement de qui peut offrir un gage en immeubles ou en produits; mais une société progressive peut-elle s’en tenir à cette notion grossière du crédit réel? Pourquoi les qualités morales de l’homme n’auraient-elles pas leur part de crédit, cet homme fût-il pauvre? Son besoin est supérieur, son droit est égal et son gage n’est pas illusoire. Comptez-vous pour rien, dans l’état de la science et de la société, cet agent de production qu’offre le travail, qui ne le cède en rien à la terre et au capital?

Cet orateur conclurait à l’institution et surtout à la dotation d’un crédit personnel pour faire suite au crédit industriel au crédit foncier au crédit agricole. Il vous plairait sans doute de retrouver là les pouvoirs locaux avec un rôle considérable, celui de dispensateurs du crédit, que sais-je? de certificateurs, de cautions, au profit des empruntans ! Il y a certaines choses en effet, — le crédit, la charité, les pompes à incendie, les digues, — dont la gestion est essentiellement locale.

Quant aux salaires, qui oserait demander à l’état de les élever