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phénomène, c’est-à-dire les pouvoirs de l’esprit humain marqués dans toute la destinée de l’homme.

Si évidentes que soient ces choses, encore faut-il y regarder, ce que ne feront jamais des hommes absorbés par certaines affaires collectives dans l’étroite limite des gestions et des animosités locales. Saisir l’ensemble des choses, prendre soin de l’avenir, les dépasse ou leur répugne. La prévoyance, même pour leur propre bien, n’est pas leur fait. C’est au point qu’en Angleterre même les bourgs incorporés n’ont pas la disposition de leurs biens; ils vendraient tout, et l’avenir n’aurait plus d’immeubles ! En France, il a fallu reboiser de force certaines communes montagneuses, empêcher de force le travail pestilentiel du chanvre sur les cours d’eau et l’usage incendiaire du chaume sur les maisons. Encore n’est-il pas clair que la force ait réussi dans ces deux derniers cas. Je dois ajouter à ce propos qu’il ne faudrait pas blâmer absolument telle population d’avoir des idées, des volontés qui lui soient propres, et de se lever sous cette impulsion. C’est le signe d’une vigueur qui n’est pas à dédaigner, et qui peut tourner à bien en certaines occurrences. Toujours est-il qu’il y a loin de ce genre d’esprit à celui qu’il faudrait pour gouverner l’état, et que les communes sont sujettes à des conceptions d’une largeur, d’une équité problématiques.


IV.

Ici je me sens interrompu. On m’arrête et l’on me dit qu’il n’est pas question de puiser des hommes d’état dans les communes, que personne n’y songe, mais que des communes douées de quelque autonomie s’élèveraient sensiblement dans l’échelle des êtres, qu’en cet état elles produiraient, selon toute apparence, des électeurs politiques capables d’un bon choix, des représentans capables d’un contrôle sérieux, qu’un certain sens politique y naîtrait de l’affranchissement, et que c’est tout l’avantage qu’on se promet de cette institution améliorée. — Cette objection est spécieuse, on la rencontre partout où il est question de communes, et je voudrais pour beaucoup qu’il me fut donné d’y répondre...

Je vois bien ce que vous attendez des gouvernemens locaux, une certaine éducation ou plutôt une certaine animation politique du pays. Il vous plairait que le peuple prit goût à la liberté, qu’il la défendît au besoin avec les classes supérieures. Je comprends bien surtout que vous ne demandiez rien de plus aux localités ; mais ce n’est pas une raison pour qu’elles s’en tiennent là, une fois améliorées, comme vous dites : il faut vous attendre à être combles... Cela nous amène à considérer une tout autre face du sujet.

Nous raisonnons, il me semble, dans l’hypothèse de communes