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C’est sur l’aile de cet ouragan que la liberté est venue aux Anglais. A cette occasion du moins, elle s’est établie et fondée à jamais parmi eux. La réforme étant survenue avec l’embrasement universel des âmes qui est le fait de la religion, avec l’affranchissement des esprits que portait en soi l’abolition du papisme, le grief politique, qui ne s’était jamais éteint, prit feu de toutes parts. Les deux passions se confondirent et s’allumèrent l’une l’autre, avec cet effet surtout de gagner les masses, de les élever et de les mêler par le fanatisme à tout ce qui se passait. « Chacun à cette époque, dit Warwick dans ses mémoires, devint théologien ou homme d’état. » C’est ainsi que l’esprit vient à certains peuples. Cela se remarque en Angleterre, quand cela arrive : c’étaient dans toutes les chaires des étonnemens, des ravissemens de Balaam, devant un peuple animé de passions fortes et charmé de cette image.

Cependant quelques règnes se passent dans une harmonie confuse, l’Anglais proprement dit suivant avec quelque docilité les oscillations religieuses de la couronne. L’ironie de Bossuet à ce propos est accablante. Mais, avec Jacques Ier, l’Ecosse apparaît, se mêlant à l’Angleterre, soumise du moins à la même dynastie; or l’Ecosse n’a pas reçu la réforme de la main de ses rois : c’est elle qui l’a imposée au trône et qui va mettre à mal son roi d’Angleterre. La lutte s’engage. Tandis que Charles Ier s’attache et s’attarde, je ne sais pourquoi, à l’épiscopat, le peuple d’Ecosse, dont les motifs ne m’échappent pas moins, s’anime et s’emporte au point d’interrompre les chants de la liturgie nouvelle, de déchirer les surplis, et même de jeter des pierres à qui les porte, fût-ce l’archevêque primat. Ce mouvement donné, l’Angleterre y entre à son tour, et répare abondamment ses irrésolutions, ses défaillances. Nous touchons à des temps redoutables, où les masses, enflammées par la religion, vont descendre de là sur les pouvoirs, sur la société, avec une rage de nivellement mortelle à la royauté, désagréable à Cromwell lui-même. Je ne vais pas raconter tous les incidens de cette révolution; j’en constate seulement les sources, les grands aspects, et, n’apercevant nulle part les pouvoirs locaux, j’en conclus qu’elle les dépasse de la tête et du cœur.

En effet, on la voit naître d’une passion religieuse, c’est-à-dire tout individuelle comme son objet, qui est le salut, — se poursuivre au parlement, lequel est composé de noblesse et nommé par la noblesse, — s’exagérer et se couronner par la force militaire. Cette histoire a des vicissitudes inouïes, tout y arrive, hormis que la révolution aille prendre gîte ou appui dans les localités. Pendant un interrègne parlementaire de onze ans rempli par les violences et les exactions royales, les localités ne donnent pas signe de vie : on dirait qu’elles ne ressentent rien. Il faut voir dans telle page de