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surgeant lui-même et tout entier en son propre nom, et se dévouant à l’insurrection avec tout ce qu’il a de forces diverses, milice, murailles, finances, autorité morale, prestige séculaire.

Nous aurons là-dessus le témoignage de l’histoire. En attendant, je me permets quelques réflexions : par quel hasard prodigieux ce qui est divers et complexe comme la population d’un bourg, ce mélange de toutes les classes et de tous les intérêts, aboutirait-il à l’unité de passion et d’action? Par quel miracle encore plus incompréhensible cette passion et cette action seraient-elles non-seulement uniques, mais héroïques? Quoi! un conseil d’échevins, un gouvernement de petites choses deviendrait quelque jour un organe pour les plus grandes, un appareil à tout oser? Cela n’est pas concevable. Je sais bien qu’il apparaît de loin en loin à travers les âges des groupes supérieurs, transcendans, ouverts aux plus grands souffles, tout peuplés de grandeur d’âme et de courage, où la liberté est la passion de tous et de chacun. Cela s’est rencontré en Grèce, en Italie. C’est le don de certaines races que tout y soit élite; mais sachons bien ceci : il ne plaît pas à ces groupes d’être de simples communes; ils brisent tout lien national ou même simplement fédéral; il ne leur suffit pas d’être membres d’une nation libre, ils veulent être eux-mêmes nation, souveraineté. Cette hauteur et cette ardeur de passion politique que vous avez vues là ne se contentent pas à moins. Vous commettez une certaine contradiction dans les termes à supposer de telles âmes dans quelque dépendance.

Laissons de côté ce qui passe toutes les règles, et regardons au train ordinaire des choses communales, des êtres collectifs. L’histoire est là pour témoigner du peu qu’ils valent dans les grandes épreuves du droit national. J’aurais quelque honte à me faire si beau jeu que d’interroger la nôtre à ce sujet : prenons l’histoire la plus concluante en fait de liberté, celle de l’Angleterre telle que la raconte M. Guizot. Voilà un pays où la liberté fut conquise pas à pas, de siècle en siècle, avec des efforts réitérés et des fortunes diverses. Eh bien! tâchez un peu d’apercevoir en tout ceci la main des communes. Le personnage existe, mais il s’abstient, soit à cette aurore qui s’appelle la grande charte, soit à cette date de 1688, qui fut la formation suprême du droit national en ce pays. L’œuvre libérale à ces deux époques est purement aristocratique. Reste entre ces deux termes la période révolutionnaire de la Grande-Bretagne, et l’on pourrait supposer que la liberté britannique a pris là seulement les forces qui lui avaient manqué jusqu’alors, et qu’elle les a trouvées dans un soulèvement des localités : soit ; admettons pour un moment cette hypothèse qui n’en a pas pour longtemps. Au moindre exposé du sujet, au seuil même de ces révolutions, on voit bien que les pouvoirs locaux n’avaient rien à y faire. Tout procède d’un fonds