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appeler à la vie, ériger en pouvoirs ! Après cela, le moyen de croire que, dans cette indifférence des parties intéressées, les représentans eussent fait plus que le conseil d’état? L’opinion ne les portait pas, le sentiment public les délaissait franchement dans ce projet de décentraliser l’administration ou plutôt de défaire la France, une des fantaisies les plus radicales qui aient traversé les esprits à une époque si riche toutefois d’impromptu et d’absolu : tous les sectaires ne sont pas en Icarie.


II.

On ne poussera pas plus loin cette démonstration : aussi bien on commence à s’épuiser de faits et de raisons; mais peut-être en a-t-on laissé entrevoir ce qu’il fallait pour établir que le rôle des communes a été médiocre parmi nous, médiocre comme le souffle dont elles vivaient, qu’elles disparurent presque entièrement sans laisser derrière elles ni vide ni regret, le progrès se poursuivant ailleurs, sur le terrain des offices, cette mise en vente de la puissance publique, et que personne ne prit souci de ce qui leur advint, soit à l’époque des grandes restitutions de droit opérées en 89, soit à l’époque des grandes organisations de pouvoir opérées sous le consulat, soit dans ces temps libres et réguliers où toutes choses, dûment entendues, prenaient place selon leur droit.

Cependant il s’est formé de nos jours une doctrine, une école considérable, — qui croit aux localités, c’est-à-dire à un secret de vie et de force enraciné çà et là à travers le pays, — qui prend certains groupes de population, certains compartimens de territoire, appelés communes et provinces, pour des existences et des puissances naturelles, bienfaisantes surtout, et capables, le jour où elles s’appartiendraient, de servir énergiquement le plus réel comme le plus noble intérêt du pays, la liberté politique. Illusion! ces êtres, ces foyers n’ont pas cette étincelle. D’abord, nous l’avons bien vu, ils ne sont pas et ne demandent pas même à naître, ce qui est péremptoire; mais, fussent-ils, il n’est pas en eux de rendre les services qu’on s’en promet. Ils n’ont pas, pour produire ou pour défendre le droit national, la passion, la puissance qu’on leur prête. On peut faire des images sur tout; mais la dernière qui puisse s’appliquer aux communes est celle de volcans ou de citadelles de la liberté.

Au fait, pourquoi un être local se ferait-il le champion de la liberté publique, comme s’il s’agissait de son existence et de ses franchises particulières? A quel titre les localités prendraient-elles à cœur les droits généraux du pays? Il n’y a peut-être pas de localité où l’on ne verrait, le cas échéant, une certaine élite d’esprits et de bras dévoués à cette cause. Ce qu’on ne verra jamais, c’est l’être local s’in-