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s’appelle la députation permanente. Supposez que nos conseils-généraux puissent désigner quelques-uns de leurs membres pour fonctionner pendant l’intervalle des sessions, et que cette fonction consiste à régler les affaires qui sont réglées définitivement aujourd’hui par le ministre ou par le préfet. Tel est à peu près le mécanisme et l’objet de la députation permanente sur les bords du Rhin.

La loi consulaire de pluviôse an VIII supprima les administrations de département ou plutôt les dédoubla, créant à leur place un préfet et un conseil-général. Distinguer l’action et la délibération, établir deux organes pour ces deux choses, était bien avisé; il l’était moins d’attribuer aux préfets, comme fit cette loi, la tutelle des communes, laquelle aurait dû appartenir aux conseils-généraux. Toutefois, comme à l’époque consulaire ni les conseils-généraux ni les préfets n’étaient électifs, cette attribution préfectorale ne tirait pas à conséquence, et personne peut-être ne prit garde à la garantie qui s’évanouissait avec tant d’autres: mais, chose étrange, quand l’élection fut restituée aux conseils de la commune et du département, personne ne s’en souvint, ni ce ministère de progrès et de réforme tempérée qui parut en 1828, ni un peu plus tard le ministère né d’une révolution dont la liberté locale était une des moindres promesses.

Ainsi la centralisation eut pour elle tous les gouvernemens, ce qui n’est pas bien miraculeux; mais il y a plus, elle n’eut jamais contre elle las oppositions, les minorités. On a vu de nos jours des gouvernemens qui n’étaient pas sans rencontrer un peu partout une contradiction violente,... interpellés, obsédés, harcelés de toutes parts, hormis à cet endroit de la centralisation. Ailleurs tout est piège ou bataille; mais, arrivés là, les partis désarment et fraternisent. On dirait la trêve de Dieu parmi les guerres privées du moyen âge, L’Ecclésiaste nous parle d’un monde livré aux disputes, le monde parlementaire, je suppose ; mais cet anathème n’est plus de mise dès qu’il est question des communes. Il se passe alors quelque chose d’exceptionnel, je dirais volontiers de surnaturel, si je ne craignais de blesser les âmes scientifiques. Prenez la discussion des lois de 1837 et 1838 sur les attributions communales et départementales : rien de plus pacifique. La discussion se poursuit ou plutôt se traîne mollement entre quelques légistes, quelques propriétaires, quelques administrateurs, devant une assemblée distraite ou absente qui sait qu’en penser. De temps en temps, un doute se hasarde, une observation s’élève d’un banc quelconque; nul n’y répond, si ce n’est le commissaire du roi, lequel doit une réponse. Ce qui domine tout, c’est un vote d’articles incessant, accéléré et surtout unanime. On croit assister à une de ces paisibles séances qui font la gloire et la sérénité d’un conseil d’état.

Savez-vous où se réveille la passion? C’est à l’article des droits