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pire encore que la simple restauration de la diète fédérale, — et cependant déjà cette restauration, le cabinet de Berlin ne pouvait l’admettre sans déshonneur! Ces dépêches du prince de Schwarzenberg, presque aussitôt publiées qu’émises, et demeurées célèbres dans les annales de la diplomatie, faisaient les délices du parti de la grande Allemagne, remplissaient d’amertume et de désespoir le cœur de tout vrai patriote, et créaient à la Prusse une situation telle qu’on pouvait se demander à juste titre si elle avait d’autre issue honorable que la guerre.

On faillit en effet en arriver à cette extrémité, dans l’automne de 1850, à propos de cette question hessoise, qui, avec celle du Slesvig, a le don tout particulier de ne s’éteindre jamais et d’impatienter toujours. La position géographique qu’occupe la Hesse électorale, en divisant en deux moitiés la monarchie prussienne, explique facilement le choix qu’en fait d’habitude le cabinet de Vienne pour y dresser ses batteries contre Berlin. Et pourtant la liesse est certes loin d’être autrichienne ! Ses princes les plus glorieux avaient été en d’autres temps les fermes soutiens de la réforme, — on sait l’amitié de Philippe le Magnanime pour Luther, la constance inébranlable de son petit-fils Maurice pendant la guerre de trente ans, — et le pays se rappelle aujourd’hui encore les ravages cruels de Tilly. Aussi n’est-ce pas auprès du peuple que le prince de Schwarzenberg chercha son point d’appui, mais auprès de l’électeur et du fameux M. Hassenpflug, son ministre. Pressé par des besoins d’argent et ne pouvant présenter un budget en règle, le souverain de Hesse avait demandé aux chambres un vote de confiance, et, sur leur refus réitéré, mis le pays en état de siège en dépit des protestations unanimes de l’armée, des fonctionnaires et de toute la population. L’électeur finit par quitter Cassel et par réclamer le secours de la diète de Francfort[1], c’est-à-dire de l’Autriche. Il avait fait d’abord partie et s’était ensuite retiré de l’union restreinte; or comme le cabinet de Berlin maintenait toujours le caractère obligatoire du traité des trois rois, c’est auprès de cette union et de son tribunal que le brave peuple hessois en appela contre l’électeur et l’Autriche. Céder encore sur ce point devant le prince Schwarzenberg, cela parut même intolérable aux plus timides et aux plus féodaux de l’entourage de Frédéric-Guillaume IV, et on sembla prêt à relever le gant. M. de Radowitz rentra en scène, on demanda aux chambres un crédit de là millions de thalers pour l’armement, et le roi prononça un discours belliqueux. L’Europe devint attentive, — et ce ne furent pas seulement les vaincus de 1848 qui appelèrent de tous leurs vœux

  1. Ou plutôt le provisorium, institué en 1850 à Francfort par le prince Schwarzenberg avec le concours des états hostiles à la Prusse à la suite de l’expiration de l’interim.