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du détroit. Les banques anglaises se sont multipliées en proportion des facilités que la législation leur a données. Il en serait de même des nôtres, si la législation s’y prêtait.

Il y a trente ans environ, la Banque d’Angleterre exerçait dans Londres un monopole que la loi lui garantissait. Le texte des actes du parlement était tel qu’autour d’elle, à Londres et dans la banlieue, il ne pouvait y avoir que des banques fort secondaires. La législation anglaise a été en cela radicalement changée. Aujourd’hui, dans Londres même, on compte plusieurs banques qui font une grande masse d’affaires et donnent aux opérations commerciales un puissant concours, non sans recueillir pour leurs actionnaires de très gros bénéfices. Leurs profits proviennent des capitaux que le public leur livre en dépôt, et dont elles servent cependant un certain intérêt, tandis que la Banque d’Angleterre n’en paie aucun pour les fonds qu’on lui confie. C’est avec ces capitaux qu’elles opèrent, et non avec le leur propre. La Banque de Londres et Westminster (London et Westminster Bank) est le plus remarquable exemple de ces puissans établissemens. Elle a habituellement’ une masse de dépôts qui monte à 360 millions de francs, et la partie du capital propre de la banque qui a été effectivement versée par les actionnaires n’est que de 25 millions[1]. Elle distribue des dividendes de 22 pour 100. Les six principales banques de ce genre à Londres ont en dépôt un capital qui s’élève à 1 milliard 260 millions. Quel aliment pour l’industrie nationale ! Qu’est-ce donc si l’on compte les autres banques semblables à Londres et dans le pays !

Ces créations nouvelles et multipliées n’ont pas empêché la Banque d’Angleterre de faire, elle aussi, de beaux bénéfices. Les dividendes qu’elle distribue n’ont pas décru, ils ont augmenté. Elle conserve, par rapport aux nouvelles banques, le privilège d’émettre des billets au porteur dits billets de banque. On sait qu’elle a, même par rapport à la Banque de France, l’avantage que le cours de ses billets soit forcé, tant qu’elle continue de les échanger elle-même contre des espèces, à la volonté du porteur. Il s’ensuit que les receveurs des deniers publics acceptent les billets de la Banque d’Angleterre en paiement de l’impôt. Il y a bien des localités chez nous où ils refusent les billets de la Banque de France ; c’est un dommage pour la Banque et pour le public.

En France, lorsque le législateur a renouvelé le privilège de la Banque par la loi du 9 juin 1857, il s’est réservé la faculté de la requérir d’avoir une succursale par département, mais seulement après un délai de dix ans. La Banque n’a pas attendu ce terme pour

  1. Le capital souscrit, qui devrait être versé en entier en cas de besoin, est de 125 millions. Il n’en a été appelé que le cinquième, il ne sert ainsi que de fonds de garantie.