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qui ont du prix, telles que la laine et le coton, et pour des produits manufacturés, tels que les fils, les tissus, les matières tinctoriales, la quincaillerie, la longueur et la durée incertaine du voyage sont des causes de dérangement pour la fabrication et un obstacle aux opérations commerciales. En interprétant dans le sens de rallongement des délais l’arrêté ministériel qui fixe la vitesse des expéditions, et en dépassant même de beaucoup quelquefois ce que cet arrêté autorise à titre facultatif seulement, les compagnies en sont venues à ce point qu’un conseil général a pu, l’an dernier, demander comme une grande amélioration que les chemins de fer eussent la vitesse du roulage.

Puisque nos manufacturiers se trouvent de plus en plus placés en état de concurrence avec ceux de l’Angleterre, non-seulement pour l’approvisionnement des marchés étrangers, mais même sur le marché national, il est indispensable que, dans toute l’étendue de ce qui est possible, on les place dans la situation d’égalité vis-à-vis des chefs d’industrie du royaume-uni. Or en Angleterre le service des marchandises est organisé sur le pied d’une remarquable célérité. Le fabricant de Manchester livre le soir ses tissus de coton au chemin de fer, et des le lendemain dans la matinée, vers dix heures ou onze heures, ses ballots sont remis à l’acheteur dans la Cité de Londres. En France, avec le règlement aujourd’hui en vigueur, c’est le septième jour que le chemin de fer délivrerait les colis. Je connais des cas où, pour traverser la France du nord au midi, les chemins de fer ont pris régulièrement un mois, et l’expéditeur avait dû s’accoutumer à ce régime.

Il est indispensable que les compagnies de chemins de fer établissent leur service de manière à affranchir l’industrie de ces énormes pertes de temps. Elles le peuvent si elles le veulent bien ; le service de la poste aux lettres prouve qu’il est possible de délivrer régulièrement et promptement un très grand nombre d’objets. Quelques-unes des compagnies de chemins de fer ont eu une excuse dans le nombre excessif de trains qu’il aurait fallu avec des locomotives d’une puissance aussi limitée que celles qui composaient leur force motrice ; mais, dans ces dernières années, les locomotives se sont beaucoup perfectionnées, leur puissance de traction est devenue bien plus grande. Avec les nouveaux engins, tant que les pentes n’excéderont pas 5 millimètres par mètre, on pourra charger un train de 600 tonnes (600,000 kilogrammes). À ce compte, un train de petite vitesse suffira là où il en fallait deux et même trois. Les frais par tonne de chargement n’étant pas plus élevés suivant le nouveau mode, et même étant moindres, il n’y aura pas de raison pour hausser les prix de transport en alléguant le surplus de vitesse. C’est ici le lieu de faire remarquer que les prix perçus