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les simples soldats, sont d’argent massif et de grande dimension. Forme originale du luxe oriental ! Saïd-Pacha, qui sait ses auteurs, s’est rappelé sans doute qu’Alexandre le Grand, le fondateur d’Alexandrie d’Égypte, avait son corps des Argyraspides, dont les boucliers étaient d’argent.

Mais revenons aux boutons à bon marché. J’ai cité ceux de 30 centimes la grosse. Il y a une sorte de boutons qui est à plus bas prix encore, et qui cependant est jolie : ce sont les boutons en porcelaine qu’on met à nos chemises par exemple, et dont M. Bapterosses, de Briare, est l’inventeur et le principal fabricant. On les vend aujourd’hui 1 franc 10 centimes la masse, c’est-à-dire la douzaine de grosses (ou mille sept cent vingt-huit boutons), soit moins de 10 centimes la grosse ; c’est à peu près seize boutons pour 1 centime. Il y eut un moment où la concurrence en avait réduit le prix à 50 centimes la masse, ou trente-quatre boutons pour 1 centime.

En fait de fabrication où le système manufacturier a supplanté le petit atelier de l’artisan, je pourrais citer tout aussi bien les ustensiles de ménage en fer dit battu, tels que poêles et poêlons, casseroles, couverts en tôle, et tout ce qui y ressemble. Autrefois cela se faisait lentement, péniblement et mal, au marteau ; maintenant on fabrique les mêmes produits, et beaucoup d’autres nouvellement imaginés, dans de grandes manufactures, avec le principe de la division du travail et à l’aide des machines. On estampe le fer et on l’emboutit avec un outillage qui varie selon la nature des articles. On a de meilleurs produits à bien meilleur marché. Un autre exemple est la fabrication du chocolat, que quelques maisons de Paris fabriquent avec supériorité et vendent à très bas prix dans les qualités communes ; c’est au système manufacturier qu’on doit, ici encore, attribuer le bon marché. La confiserie, à Paris, s’est constituée récemment sur la base manufacturière. C’est un fait acquis et complet, et l’exportation des bonbons a pris aussitôt un grand développement. L’industrie de la confection des habits offre un autre cas bien caractérisé de l’invasion de la manufacture dans ce qui était le lot de la petite industrie, dépourvue de la ressource des machines et de la division du travail. Le consommateur y a gagné de payer moins cher son vêtement, parce que la puissance productive du travail humain a été fort accrue par le changement de la petite industrie en la grande.

Il est digne d’attention que la fabrication des soieries n’ait pas adopté encore à Lyon la transformation en manufactures ; mais il est difficile qu’elle n’y arrive pas : la concurrence l’y forcera. Presque partout à l’étranger l’industrie des soieries a pris l’organisation manufacturière.

La tendance à substituer les forces mécaniques de la nature à