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m’entendrez dire, comme le vieux garçon dans le Ménandre latin, avec un petit changement :

Etsi hoc molestum… atque alienum a vita mea
Videtur, si vos tantopere istuc voltis, fiat.

Cette lettre est du 19 juillet, et le 16 août son ami Cropley écrivait de sa part à son ami Molesworth pour lui annoncer son prochain mariage avec une personne qui avait tout, hormis l’égalité de fortune. Son bonheur paraissait assuré, et, quoiqu’il eût passé par un gros rhume, sa santé était redevenue excellente ; elle aurait étonné ses amis. En conséquence, vers la fin d’octobre, il épousa Jane, fille de Thomas Ewer, de Lea, dans le Hertfordshire. Elle avait vingt ans et devait lui survivre jusqu’en 1751. Nous avons deux lettres de lui où, quelques jours après le mariage, il entretient ses amis de son bonheur, vrai bonheur de philosophe maladif qui regarde sa tranquillité personnelle comme le triomphe de la sagesse. Le 1er novembre 1709, il dit à Molesworth ces mots singuliers :


« A parler bien sérieusement, car à vous je n’ai point d’embarras à tout dire, je n’ai pas depuis beaucoup d’années connu d’autre plaisir, intérêt ou satisfaction, en aucune chose, que de penser bien faire, et comme il me convenait de faire pour mes amis et pour mon pays. Non que je croie avoir été pour cela moins heureux ; mais l’honnêteté sera toujours regardée comme une triste chose par ceux qui ne vont qu’à moitié chemin dans la raison de l’honnêteté, et qui sont honnêtes par bonheur ou par force de nature, non par raison et conviction. Si j’avais à parler mariage et si j’étais obligé d’exprimer mes sentimens avec franchise, j’offenserais sans aucun doute la plupart des honnêtes mariés, et particulièrement les femmes, car je croirais réellement dire des merveilles et exalter le bonheur de mon nouvel état et le mérite de ma femme en particulier, si je disais que je me crois véritablement un homme aussi heureux maintenant que jamais. Et n’est-ce pas un sujet de joie suffisant ? Que pourrait souhaiter de plus un homme de sens ? Pour moi, si j’éprouve une sincère joie, c’est parce que je ne m’en étais pas promis une autre que la satisfaction de mes amis, qui croyaient que ma famille valait la peine d’être conservée, et moi, d’être soigné dans un état passable d’infirmité, chose pour laquelle une femme, si c’est vraiment une bonne femme, est un grand secours. C’est une telle femme que j’ai trouvée, et si, avec son aide et ses soins, je puis recouvrer une part de santé tolérable, vous pouvez être assuré qu’elle sera employée selon vos souhaits ; puisque mon mariage lui-même n’a pas eu d’autre fin. »


Et il poursuit en lui parlant politique et du grand-trésorier qu’il a vu, et dont il est toujours plus content. Son autre lettre est adressée à Benjamin Furley. Elle est également plus remplie d’élévation morale que de sensibilité. Sa correspondance avec ce confident de sa politique est intéressante à cette époque. Dans une lettre du