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la fièvre de la lutte, il fait appel aux liens sacrés de la famille, à la sobriété, à la patience, à toutes les vertus, exhortations fort sages qui trouvent leur sanction dans le principe économique de l’intérêt bien entendu.

Le crédit est un phénomène tout moral qui repose sur la< confiance, c’est-à-dire sur la probité. M. Périn n’a donc pas de peine à le rattacher à la loi religieuse. Il en est de même de l’échange, qui n’est qu’une conséquence de la solidarité chrétienne entre tous les peuples. « Il n’y a point de hasard dans le monde, a dit M. de Maistre, et je soupçonne depuis longtemps que la communication d’alimens et de besoins parmi les hommes tient, de près ou de loin, à quelque œuvre secrète qui s’opère dans le monde à notre insu. » Voilà donc un argument puissant en faveur du libre échange ; il est désormais placé sous la protection de la Providence. Dans l’antiquité, cette union du commerce et de la religion était déjà telle que Heeren a pu se servir, pour déterminer les routes du commerce oriental, des données que l’histoire fournit sur la situation des principaux sanctuaires. Le christianisme a fait plus encore. Les foires, qui formaient, au moyen âge le principal et presque le seul moyen de réunion entre les commerçans, étaient spécialement protégées par la législation ecclésiastique, et elles coïncidaient pour la plupart avec de grandes fêtes religieuses.

Il est assez difficile de justifier économiquement les croisades, qui ont fait périr sans nécessité plusieurs millions d’hommes. M. Périn l’essaie cependant, et il faut reconnaître avec lui que, parmi les malheurs qu’elles ont entraînés, se sont mêlés des résultats utiles. Elles ont ouvert au commerce des voies nouvelles et introduit en Europe de nouveaux arts. De nos jours, les missions religieuses que les divers cultes chrétiens envoient chez les peuples barbares ont des effets plus sûrs et moins chèrement achetés, quand elles n’appellent pas trop à leur secours les forces militaires et maritimes de la mère-patrie. Un professeur d’économie politique qui devait mourir premier ministre du pape, Rossi, a fait remarquer un des première les conséquences économiques de ces missions. « En propageant le christianisme, dit-il, elles instruisent et civilisent, elles excitent de nouveaux besoins, stimulent la consommation et l’échange, et par là même la production. Elles font tomber les barrières que la diversité des religions, le manque de civilisation et de besoins communs avaient élevées entre les nations ; elles tendent à assimiler les peuples entre eux en les rangeant tous sous la loi commune de la fraternité chrétienne ; elles étendent les marchés existans et en créent de nouveaux. »

Mais il faut que le génie commercial achève et consolide ce que