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Savoie dans l’estime française. Le peuple français n’est pas habitué à estimer ceux qui viennent à lui dans une attitude servilement suppliante. La dignité serait mieux sauvegardée en nommant des représentans plus disposés à marchander les impôts au pouvoir, pour n’avoir pas ensuite à les lui demander sous forme de subsides et de gratifications. Une autre tendance pour laquelle la Savoie n’a que trop d’inclination, c’est l’esprit de résistance aux innovations dans le champ du travail. Cet esprit lui a servi et lui servira encore sur le terrain politique et national ; mais devant le progrès matériel la résistance est une honteuse défaite. Les intérêts qui résistent sont inévitablement sacrifiés à ceux qui avancent. Il n’est plus possible à une population de se cantonner dans son coin, dans ses idées et ses pratiques, pour laisser passer le mouvement agricole, industriel et commercial. Les barrières sont tombées ou tombent partout le long de la voie, et ceux qui s’y attardent courent grand danger d’être heurtés violemment et de souffrir cruellement. Sur cette voie royale du progrès où les peuples sont entraînés bon gré, mal gré, il faut avancer, travailler, inventer et produire, sous peine d’être broyé. Placée dans une condition d’infériorité industrielle vis-à-vis de la France, mais largement dotée de beautés et de ressources naturelles qui attirent chaque année un grand concours d’étrangers, la Savoie peut trouver dans cette situation un supplément de richesse et de bien-être qui n’est pas à dédaigner. Les magnificences de sa nature alpestre deviendront une source plus productive que ses mines et ses carrières mêmes du jour où elle saura mieux accueillir les voyageurs et les traiter avec modération et équité, comme les principes de la morale et de la saine économie politique lui en font un devoir.


HUDRY-MENOS.