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étant de droit naturel et inhérent à la personne humaine, et l’autre de création légale. Ce principe fécond, qui a préservé du gaspillage des propriétaires de la surface les richesses incalculables du sous-sol de l’Europe, a parcouru, avant d’être reconnu et appliqué partout, des phases diverses, dont le tableau est celui du développement de la législation minière elle-même.

Sous le régime du droit romain, le propriétaire du sol l’est aussi du sous-sol, le fonds emporte le tréfonds, selon l’expression juridique ; mais l’état, fortement assis, pèse sur le propriétaire, qui n’est pas entièrement libre d’user et d’abuser de la mine, et en certains cas d’abus l’état suspend son exploitation. Pline rapporte un sénatus-consulte qui suspend toutes les exploitations minières en Italie et dans l’enceinte des Alpes. Le naturaliste latin ne donne pas les motifs de cette mesure générale ; il est permis de croire qu’elle fut prise pour préserver les mines du gaspillage et pour arrêter la destruction des forêts, qui devaient disparaître rapidement avec la méthode décrite précédemment, employant le bois non-seulement au grillage et à la fusion du minerai, mais encore à l’attaque de la roche. Cependant, malgré la forte centralisation romaine, l’indivision du sol et du sous-sol amena bientôt l’épuisement des mines ouvertes et d’immenses gaspillages dont on retrouve les traces dans les déblais des travaux romains.

Le sous-sol subit encore la loi de la surface pendant toute la durée du moyen âge, et si l’indivision ne produisit pas des effets plus graves, c’est parce que l’esprit d’entreprise était peu développé, et qu’il y avait alors des propriétés d’une grande étendue où l’exploitation pouvait s’installer à l’aise. Les révolutions qui ont fermé le moyen âge ayant commencé la dispersion des grandes propriétés et le morcellement du sol, la nécessité se fit sentir d’empêcher le sous-sol d’entrer dans la même voie, en le disjoignant de la surface par une fiction légale. C’est ce que firent les premières la maison de Savoie et quelques républiques italiennes avec lesquelles elle était en contact par ses possessions au-delà des monts, et la mine devint une propriété de privilège mise à la disposition de l’état. Il y avait un danger qui ne fut pas évité : l’état n’aurait-il pas la tentation de garder pour lui cette propriété nouvelle, au lieu d’en investir les individus les plus dignes ? Ce fut là l’écueil du principe. La notion de l’état propriétaire se substituant à l’individu, que des hommes dévoyés ont donnée de nos jours pour une nouveauté, est déjà bien vieille ; elle n’a pas attendu le progrès des lumières pour faire irruption dans les esprits. Les principales mines de la Savoie tombèrent entre les mains de l’état, qui les fit exploiter en régie. Cette expérience communiste eut néanmoins de bons résultats, celui-ci,