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s’est perpétuée jusqu’à nos jours dans l’esprit du peuple de Savoie. Les anciens avaient donné le nom de Gallia aurifera aux versans gaulois des Alpes. « La Gaule, dit Diodore de Sicile, avait reçu l’or de la nature sans art ni travail, » et Strabon affirme que ce sont des mines d’or qui furent le prétexte de la guerre des Romains contre les peuplades allobrogiques. L’or brille encore aujourd’hui dans les imaginations populaires, les légendes dorées occupent les veillées du village, et Il n’est pas rare d’entendre le récit merveilleux de la caverne aboutissant au torrent sous-alpin où le précieux métal se cristallise en fantastiques stalagmites. On vous citera même le nom de l’ancien du hameau dont l’aïeul descendait dans cette caverne pour y faire la récolte de l’or.

L’or existe-t-il réellement dans le massif de Savoie ? Des esprits sérieux, qui n’ignoraient pas la géologie des Alpes, ont admis l’existence de pyrites aurifères. M. Verneilh, préfet du Mont-Blanc sous le premier empire, cite, dans un mémoire statistique sur son département, un habitant de Chamonix qui en avait découvert sur un point très élevé du Mont-Blanc. Ce qui est certain, c’est qu’aucune de ces pyrites n’a figuré dans une collection minéralogique. On ne serait pas fondé toutefois à affirmer qu’il n’en existe point dans les montagnes. Plusieurs torrens roulent en effet des paillettes d’or. Au siècle passé, de nombreux ouvriers étaient occupés, pendant la morte saison agricole, à laver les sables de l’Arve, du Fier et du Cheran, et gagnaient à ce travail jusqu’à 3 francs par jour. L’intendant-général des finances leur défendit, par son ordonnance du 22 octobre 1762, d’exporter à Genève l’or qu’ils recueillaient ; mais les sables de ces torrens se sont appauvris graduellement, et la race des orpailleurs, qui offre encore quelques sujets ignorés, sera bientôt éteinte en Savoie.

Il n’est pas étonnant que le souverain ait partagé la croyance de son petit peuple, et qu’il ait été excité par l’appât de l’or à intervenir activement dans la possession et la réglementation des mines. La première loi générale de Savoie est connue sous le nom d’ordonnance métallique, et porte la date de 1531. Jusque-là, les concessions de mines avaient été faites sans autre règle que la volonté du prince ou des seigneurs dans leurs domaines respectifs. L’ordonnance pose des règles, fixe le droit régalien, établit la surveillance de l’autorité publique, et définit les droits du propriétaire du sol et ceux de l’exploitant du sous-sol. Dans ce monument de législation minière, l’un des premiers qui aient été élevés au sortir du moyen âge, on voit poindre un principe qui s’est fortifié depuis, et qui est aujourd’hui à la base de toutes les législations de même nature, savoir la distinction de la propriété du sol de celle du sous-sol, l’une