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Perfectionnemens qui se rattachent à la chimie et à la physique. — Depuis un certain nombre d’années, on a lieu de noter une baisse de prix pour plusieurs des produits chimiques que j’appellerai fondamentaux, parce qu’ils servent de base à un grand nombre d’opérations industrielles. Ainsi l’acide sulfurique, qui est dans les arts une véritable matière première, se fabrique beaucoup aujourd’hui en employant, au lieu de soufre, substance dont les gisemens sont fort clair-semés sur la surface de la terre, la pyrite de fer, corps que la nature a prodigué, et qui jusqu’à ce jour était à peu près sans emploi. Le carbonate et le sulfate de soude, que la teinture et d’autres arts chimiques consomment dans une multitude de cas, sont au moment d’éprouver une baisse de prix très sensible par l’application de la machine à faire la glace de M. Carré, que j’ai déjà mentionnée. Cette machine donne le moyen d’extraire facilement des eaux de la mer le sulfate de soude qui s’y trouve tout formé, et qui, dans l’état actuel de l’industrie, est la matière première du carbonate, dont l’emploi est plus étendu. Par le même procédé, on dérobe à la mer différens sels de potasse, le chlorhydrate notamment. Cette dernière production ne sera pas un petit service rendu à l’industrie en général. La potasse s’obtenait jusqu’à ce jour par le lavage des cendres de bois. Dans les pays primitifs où les forêts abondent et où le bois est sans valeur, s’il n’est un obstacle, on incendiait les forêts pour retirer des cendres la potasse. C’est ainsi que cette substance était principalement fournie au monde par les États-Unis et la Russie. Maintenant les forêts primitives commencent à manquer ou à ne plus se présenter que dans des régions inaccessibles. La potasse, matière nécessaire à tant d’opérations, menaçait de nous faire défaut. L’invention de M. Carré vient à point pour retirer à peu de frais la proportion de potasse que renferme l’onde amère. Cette proportion est toute petite ; mais, comme le réservoir qui la contient est inépuisable, un approvisionnement suffisant de potasse est assuré au genre humain, quelque étendus que soient ses besoins. La machine de M. Carré est montée aujourd’hui sur les proportions qui conviennent dans la saline de Giraud (Bouches-du-Rhône), dirigée par M. Merle, et elle y donne des résultats satisfaisans.

La chimie, plus encore que la mécanique, produit des changemens qui tiennent de la magie. On peut jusqu’à un certain point lui appliquer le vers si connu de Regnard :


Dans ses heureuses mains le cuivre devient or.


Cette citation se présente à l’esprit dans le palais de Kensington, lorsqu’on est en présence des couleurs si brillantes et déjà si renommées que récemment on est parvenu à tirer du goudron produit par la distillation de la houille dans la fabrication du gaz. Comment