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vignes cultivées en hutins 50,000 hectolitres d’un vin de qualité inférieure, qui ne se peut conserver longtemps.

Ainsi l’aspect change du sommet à la base, ainsi les zones de végétation se déroulent au regard étonné. La science s’est efforcée de pénétrer dans les causes de cette gradation pittoresque. Une montagne a été comparée à plusieurs degrés de latitude équatoriale superposés dans le court espace de sa hauteur. Chaque élévation de 78 a 85 mètres correspond en effet à un déplacement d’un degré vers le nord. Une élévation de 2,700 mètres, limite des neiges permanentes, reproduira donc tous les parallèles, du globe terrestre compris entre le 71e et le 38e degré, c’est-à-dire entre la Laponie et le midi de la France, et, par une conséquence nécessaire, tous les climats intermédiaires et toutes les productions qui caractérisent ces climats. L’élément le plus appréciable d’un climat, c’est la température. La température est en raison inverse de l’altitude : elle s’abaisse à mesure qu’on s’élève. Il n’est pas un touriste gravissant nos montagnes qui n’ait senti les effets de cette loi ; mais il est intéressant de l’étudier avec les instrumens de précision, car elle explique tous les phénomènes de végétation qui ont frappé nos regards.

Les Alpes ont été explorées dans tous les sens avec deux instrumens de précision dont l’un mesure la hauteur et l’autre la température, le baromètre et le thermomètre. L’étude de la flore venant en aide à l’hypsométrie et à la thermographie, on a pu tracer des régions végétales habitées par des sujets qu’on n’aperçoit plus ni au-dessus ni au-dessous, et qui ont servi de jalons pour construire une véritable géographie botanique. Une grande part de ce travail revient à la savante Genève. Les hommes studieux de cette ville se sont répandus dans nos montagnes depuis le milieu du siècle dernier ; leur caravane patiente, conduite par le grand de Saussure, a révélé un monde nouveau à peine soupçonné auparavant, le monde des Alpes. À la suite des Genevois sont venus les explorateurs des autres pays, et entre ces derniers ceux que la Savoie a produits ne sont pas à dédaigner. MM. F. Dumont et G. Mortillet ont attaché leur nom à un même travail[1] où ils suivent cette loi de la dégradation de la température en raison de l’altitude. Aidés des données fournies sur le même sujet par les frères Schlaginweit, ils sont arrivés à fixer d’une manière assez exacte le rapport de la température avec l’altitude. La moyenne de l’abaissement du thermomètre centigrade a été trouvée d’un degré pour chaque élévation de 166 mètres dans le massif entier de Savoie ; mais en l’abordant des plaines

  1. Thermographie et Hypsométrie de la Savoie, Chambéry 1853.