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des machines, des navires, et des ponts. Le nombre des navires en fer s’est multiplié depuis 1865. La construction des ponts en tôle est devenue une grande industrie. M. Ernest Gouin construit à Paris des ponts en tôle qu’il envoie tout faits en Italie, en Espagne, en Hongrie, au fond de la Russie. Les pièces sont numérotées, et, peu après qu’elles sont parvenues à leur destination, le pont est posé.

Une innovation remarquable dans la métallurgie du fer est la fabrication des pièces destinées à cuirasser les navires. Ce sont de grandes plaques de 10 à 12 centimètres d’épaisseur. On les fabrique par le moyen de machines à vapeur d’une force de plusieurs centaines de chevaux. Ces beaux produits parfaitement soudés sont, sous leur aspect simple, des chefs-d’œuvre métallurgiques. La maison de l’Europe qui se distingue le plus dans cette fabrication, MM, Petin, Gaudet et C°, de Rive-de-Gier s’est abstenue d’exposer, et son absence a été fort regrettée, je pourrais dire blâmée.

Pour l’industrie de l’acier, le progrès est plus grand encore que pour celle du fer. On remarque à l’exposition deux aciers surtout, celui de M. Krupp, d’Essen (Prusse rhénane), et celui de M. Bessemer, métallurgiste anglais. M. Krupp fait des aciers fins. Il avait exposé en 1851 un joli petit canon d’acier, prélude de la colossale artillerie qui se déploie cette fois dans le palais de Kensington. En 1855, il exposa un lingot d’acier fondu de 5 tonnes 1/2 (la tonne est de 1,000 kilogrammes), et on cria au miracle. Cette fois il en présente un de 20 tonnes, à côté d’un arbre coudé plus surprenant encore, car il provient d’un lingot qui en pesait 25. Les produits de M. Krupp, quelque magnifiques qu’ils soient, excitent dans le public moins d’intérêt que ceux de M. Bessemer.

Le procédé de M. Bessemer ouvre des voies nouvelles à la fabrication de l’acier. Il épargne le combustible à un degré jusqu’ici inespéré ; il est d’une grande simplicité, puisqu’il se réduit à faire passer un courant d’air dans la fonte liquide, qu’on peut prendre au sortir même du haut-fourneau où elle vient de se former, et il permet d’opérer à la fois sur 2,000 kilogrammes de matière, qui en un quart d’heure est passée à l’état d’acier. Le passage de l’air à travers la masse de fonte liquide, au lieu de la refroidir, l’échauffé par l’action chimique qui s’accomplit alors. C’est ainsi qu’on est dispensé de consommer le charbon que brûlent les autres procédés. À ces avantages déjà grands, le procédé Bessemer joint celui de convertir en acier des fontes beaucoup plus ordinaires que les fontes fines et spéciales réservées en Prusse à la fabrication de l’acier puddlé, ou que celles d’où l’on retire les fers exceptionnels qu’on cémente à Sheffield. On assure même que