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tuyaux, au fond de la galerie en percement, où l’atmosphère est viciée par les explosions de la poudre ; mais l’air comprimé fait plus : il devient moteur à son tour. Il fait mouvoir les outils destinés à la perforation du roc. Il est à regretter que rien à l’exposition ne représente cette entreprise audacieuse. Les ingénieurs auxquels est due cette combinaison mécanique[1], MM. Sommeiller, Grattoni et Grandis, ont été arrêtés sans doute par cette raison que l’expérience n’avait pas encore prononcé. On y trouve la représentation multiple, sous la forme de modèles et de dessins, d’un autre usage de l’air comprimé : c’est celui qui a si admirablement réussi pour fonder les piles de pont dans des rivières dont le lit offre une épaisseur indéfinie de terrains meubles. Le pont sur le Rhin, à Kehl, est un remarquable exemple de cette difficulté surmontée ; mais, hélas ! l’ingénieur qui en a été le principal constructeur, M. Fleur Saint-Denis, a été enseveli dans son triomphe même ; il a succombé à la fatigue. Les piles du nouveau pont de Bordeaux ont été fondées de même en faisant intervenir l’air comprimé. On a obtenu un grand succès et de plus une remarquable économie. L’idée appliquée ainsi est la même dont s’était servi, il y a un certain nombre d’années déjà, M. Triger pour pratiquer un puits de mine dans le lit de la Loire ; mais l’application même en est perfectionnée. L’air comprimé agit, comme un refouloir, par la force de sa pression, et empêche l’eau de pénétrer, à peu près comme dans la cloche à plongeur. Le procédé de refoulement des liquides ambians par l’air est usité aujourd’hui dans différentes industries, dans les savonneries entre autres.

Les machines-outils. — La fabrication des machines a dû un grand perfectionnement et en même temps un abaissement de prix à une industrie nouvelle, dont le principal promoteur a été M. Witti-worth, de Manchester, l’industrie des machines-outils. On peut se faire une idée de l’importance que cette industrie a acquise, de la variété, de la beauté de ses produits, par les objets qui remplissent une bonne partie de l’annexe occidentale (western annex) du palais de l’exposition. Les machines-outils servent à faire mécaniquement les opérations diverses par lesquelles ont à passer les pièces de métal, afin de devenir les organes divers des machines. Les unes rabotent une surface de fonte ou de fer forgé de manière à en faire un plan mathématiquement uni ; les autres tournent un bloc de fer ou de fonte de manière à le rendre parfaitement rond et égal dans toutes ses parties, et de forme exactement cylindrique. Celui-ci perce la tôle, celui-là pratique une rainure dans le métal. Il y a cent sortes de machines-outils aujourd’hui.

  1. La conception première appartient à un ingénieur belge, M. Maus.