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elles ont bu le café et reçu leur ration d’eau-de-vie. Les sacs ont été faits la veille. Ils contiennent huit jours de biscuit et deux rations de viande cuite, à l’avance.

À cinq heures, tous les corps sont à leurs postes sur la route des pagodes. L’amiral, son état-major, le général de Vassoigne sont en tête près du débouché de Caï-maï ; un petit détachement de chasseurs d’Afrique leur sert d’escorte. Viennent ensuite l’infanterie espagnole, puis deux compagnies de chasseurs à pied. L’artillerie, qui a bivaqué à Caï-maï, est en colonnes par pièces et dans l’ordre suivant : les six obusiers de montagne, les fuséens, les trois canons de 4 rayés, les quatre canons de 12 rayés. L’infanterie est disposée sur la route à la suite et dans cet ordre : les chasseurs à pied, le génie et ses échelles ; les marins abordeurs, leurs échelles, leurs engins ; le corps des marins débarqués, l’infanterie de marine ; puis viennent le train et le service d’ambulance. Le convoi, porté par six cents coulies chinois et par cent bêtes de somme, est placé sur la route du Jajareo, qui coupe perpendiculairement le chemin des pagodes. Ainsi disposé, le convoi ne gênera pas la marche de la colonne.

À cinq heures et demie, l’armée se met en marche. Le jour s’est fait ; la température est encore bonne, mais la poussière, que l’humidité de la nuit avait d’abord abattue, s’est élevée. Les corps placés en tête débouchent dans la plaine et se dirigent sur le fort dit de la Redoute, qui marque l’extrémité ouest des lignes cochinchinoises. Une compagnie de chasseurs à pied se développe en tirailleurs devant l’artillerie, qui paraît à son tour et forme ses sections sans difficulté sur la route nivelée la veille. Les pagodes Barbet, des Clochetons, de Caï-maï, ont déjà ouvert leur feu depuis une heure. Le roulement grave et puissant des grosses pièces d’artillerie domine tous les bruits et remplit la scène. L’ennemi, de son côté, a garni ses lignes et s’est porté tumultuairement aux armes. Du haut de la redoute, on a pu distinguer son mouvement. Le bruit des gongs, le sifflement très reconnaissable de son artillerie, qui est en fer et de moindre calibre, couvrent les intervalles du tir des pièces rayées de 30. Des officiers venus de Saïgon et réunis à Caï-maï s’avancent rapidement sur la route, et échangent avec ceux qui passent un mot d’adieu ou une poignée de main.

La colonne a débouché presque tout entière. L’artillerie montée se répand maintenant dans la plaine ; elle élargit son front. À 1,000 mètres environ de l’ennemi, elle se déploie en avant, en batterie oblique à gauche, s’arrête court et ouvre son feu. Une vibration cuivrée, qui s’allonge en sifflant et en bourdonnant, bondit dans la plaine. Les canons rayés de 12 dirigent leur feu sur le fort de la Redoute,