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Dès le mois de juin 1860, les mandarins tendaient à couper les Français de la ville chinoise, où se trouvaient emmagasinés les riz qu’on chargeait à Saïgon. En conséquence, s’appuyant sur des forces considérables, disposant de loin en loin des redoutes fermées et marchant vite, l’ennemi ouvrit de l’angle nord de l’ouvrage de Ki-hoa une sape double, une longue tranchée qui devait couper de la ville chinoise la redoute de Caï-maï, occupée par nos troupes, et nous forcer de l’abandonner. La clé de la situation était là : il s’agissait de garder ou de perdre le marché chinois.

Pendant tout le temps de la guerre de Chine, — inconnue, presque abandonnée, — une petite poignée d’hommes énergiques s’éleva à la hauteur de ces temps où l’on brûlait ses vaisseaux pour ne plus demander à revoir la métropole. Deux autres pagodes furent choisies entre Saïgon et la redoute, qu’il fallait conserver à tout prix. On s’occupa immédiatement de les fortifier. La pagode des Mares avait une cour entourée de briques qui formait une défense passable ; elle était assez éloignée des lignes ennemies. L’autre, celle des Clochetons, était complètement à découvert ; elle n’était qu’à 400 mètres de la tête de sape. On prit immédiatement la terre des tombeaux pour se mettre à couvert. Les Annamites, sur le moment, abandonnèrent leur tranchée ; mais presque aussitôt après ils ouvrirent un feu bien dirigé qui tua un homme et en blessa quelques autres. Les premiers tombeaux avaient été bien vite dégarnis ; il fallait aller chercher la terre dans des sacs assez loin ; le travail de remblai était lent, pénible, et se faisait à découvert. Dans la nuit du 3 au 4 juillet, les Annamites, au nombre de deux mille au moins, sortirent en silence de leurs lignes, et, entourant la pagode, qui n’était pas encore une redoute, se lancèrent franchement sur elle avec de grands cris. L’artillerie annamite occupait les autres pagodes par de fortes divisions ; elle tirait aussi sur les Clochetons, et mitraillait Français, Espagnols et Annamites. On s’entre-tua pendant une heure. Un renfort qui arriva de Saïgon fit cesser la lutte. L’ennemi laissa plus de cent cadavres. La garnison des Clochetons était composée de cent Espagnols et de soixante Français. Le capitaine espagnol Hernandez et les enseignes Gervais et Narac commandaient cette petite troupe. Les Annamites ne renouvelèrent pas l’attaque des Clochetons ; mais ils firent partir de leur sape double un retranchement parallèle à notre ligne de défense. Ils renfermaient ainsi la garnison franco-espagnole dans ses lignes et lui interdisaient l’accès de la plaine qui s’étendait sur les derrières de Ki-hoa.

Ainsi établi, ce grand camp retranché avait repris toute l’importance de l’ancienne citadelle. Il dominait le pays ; il tenait les routes qui conduisent à My-thô, à Hué et au Cambodge. Les communications