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ministre, et il est vraisemblable qu’il ne nous demeurera pas longtemps inconnu, le parlement italien se rassemblant le 18 novembre, et devant, dès ses premières séances, être mis au courant des négociations engagées. On se souvient de la circulaire du général Durando ; elle fut inspirée par la répression du mouvement garibaldien. L’honnête général se prévalait auprès des cabinets européens de la vigueur avec laquelle le gouvernement du roi Victor-Emmanuel avait su rétablir l’ordre dans le pays, en s’imposant la douloureuse tâche de lutter contre l’élan du patriotisme, personnifié dans une des illustrations les plus populaires de l’Italie. Les termes de cette allusion à l’infortuné héros que tant d’ardentes et nobles sympathies disputent en ce moment à la mort firent grand honneur au général Durando. Rome semblait devoir être la récompense de la cruelle victoire que l’Italie venait de remporter sur elle-même, et le ministre italien ne craignait pas d’interpeller la France et de lui demander amicalement si l’heure ne serait pas bientôt venue pour elle de cesser d’intervenir entre le pape et les populations romaines. C’est à cette adjuration que, par le tour nouveau de la politique de notre gouvernement, M. Drouyn de Lhuys est chargé de répondre. La grande dépêche de M. Thouvenel à M. de Lavalette finissait par des mots qui donnaient à entendre que la France, fatiguée de continuels refus, pourrait un jour ne prendre conseil que de ses intérêts et quitter Rome. C’est maintenant, et en répondant au général Durando, que nous allons dire, par la bouche de M. Drouyn de Lhuys, dans quel cas, à quelles conditions nous quitterons Rome. Nous ne sommes ici que dans le champ des conjectures ; mais nous serions fort surpris si la réponse de notre nouveau ministre à l’Italie n’était pas fort décourageante, et n’équivalait pas à la signification d’une occupation indéfinie. Sans doute nous pourrions dire aux Italiens : La première condition que nous mettons à notre sortie de Rome, c’est que vous nous garantirez qu’une fois la garnison française partie, vous ne laisserez pas envahir le territoire romain par des volontaires et s’accomplir une révolution par le dehors. Sur ce point, le gouvernement italien pourrait prendre des engagemens formels et rassurer assez notre conscience pour nous permettre de sortir de Rome à l’instant même. Pour motiver la continuation de notre occupation, M. Drouyn de Lhuys sera obligé de mettre en avant une autre condition : il devra dire par exemple que nous resterons auprès du pape tant que nous ne serons pas assurés que son pouvoir ne sera point mis en danger par un soulèvement possible des populations romaines, par une révolution intérieure. Voilà la conclusion à laquelle, nous le redoutons, se trouvera conduite notre politique nouvelle. La situation étant ainsi présentée, le parlement italien et le cabinet de Turin seraient placés en face d’une condition qui dépasserait leur responsabilité et leur pouvoir. Tout le monde comprend assez que le cabinet de Turin et l’Italie ne peuvent pas devenir les assureurs de la papauté temporelle contre les risques de révolution intérieure et qu’on ne pourrait les prier de prendre ce rôle sans naïveté ou sans persiflage. Il ne resterait à l’Italie qu’à nous dé-