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la vapeur, non-seulement de la vapeur d’eau, mais aussi de celle d’autres liquides dont le nombre, fort restreint quant à présent, ne peut manquer d’aller en augmentant[1]. Désormais même ce n’est plus seulement la force élastique des liquides qu’il utilise, c’est encore celle de quelques substances gazeuses. On peut citer, en attendant plus, d’abord celle de l’air, qu’on commence à employer soit à froid à l’état d’air comprimé, soit dans les machines à air chaud, et celle du gaz d’éclairage, qui a fait son début avec un certain succès à Paris comme force motrice. L’emploi de la vapeur d’eau sur une grande échelle n’est pas plus vieux que le siècle, dont nous n’avons franchi qu’un peu plus de la moitié ; celui des autres forces élastiques ne date pas de vingt ans. Ces vingt années ont été consacrées à imaginer de premières dispositions vraiment pratiques, qui bientôt sans doute seront remplacées par de meilleures. En cette matière, nous sommes donc tout juste à l’entrée de la voie. À ces forces impulsives s’ajoute celle des substances explosibles, comme la poudre à canon et les fulminates, dont on est loin d’avoir tiré tout ce qu’ils contiennent. C’est ainsi encore que la force de l’électricité, celle du magnétisme terrestre et les rayons de la lumière sont récemment devenus des aides pour l’homme, et lui rendent des services merveilleux : qualifier de merveille le télégraphe électrique, est-ce donc une exagération ? Et la photographie, et la puissance d’éclairage que déjà l’on commence à tirer des mêmes sources, n’ont-elles pas quelque chose de prodigieux ?

Il y a trente ans, on répétait assez difficilement dans les laboratoires une expérience curieuse, imaginée par un célèbre physicien anglais, le docteur Leslie, dont l’objet était de démontrer que les liquides, en se vaporisant, absorbent une quantité considérable de calorique. L’expérience consistait à placer sous une cloche, dans le vide, deux coupes fort évasées : l’une assez grande, remplie d’acide sulfurique concentré ; l’autre petite, contenant de l’eau. La vaporisation de l’eau dans le vide, activée par la présence de l’acide sulfurique concentré, qui en est très avide, refroidissait l’eau elle-même tellement qu’elle se recouvrait de glace. C’était une jolie expérience de laboratoire, quand elle réussissait. L’idée du docteur Leslie. reprise et retournée par les savans, a subi différentes formes et a fini par arriver à l’application industrielle On a construit des appareils réfrigérans fondés sur la vaporisation de l’éther, et on a obtenu ainsi un assez beau succès. Ensuite on a essayé la dissolution du gaz ammoniac, et la réussite a été parfaite : on est parvenu ainsi à produire un froid intense à si bon marché, que désormais dans les maisons de campagne on pourra se dispenser d’établir des glacières.

  1. On peut nommer dès aujourd’hui l’éther et le chloroforme.